ACADEMIE DU BERRY
SEANCE SOLENNELLE DE PRINTEMPS
Samedi 29 mars 2014
Hôtel Colbert à Châteauroux
Notre séance de printemps s’est déroulée le samedi 29 mars 2014 dans les salons de l’Hôtel Colbert sur l’ancien site de la célèbre manufacture des tabacs à Châteauroux.
Présentation de M. Gérard Guillaume par le Président Alain Bilot.
Je pourrais résumer cette riche personnalité en disant : « Gérard Guillaume est berrichon, berrichon « viscéral », berrichon dans l’âme ! »
Ceci mérite tout de même quelques explications : notre futur confrère joue en effet un rôle éminent comme gardien zélé de nos valeurs et traditions berrichonnes.
Dans le domaine du Patrimoine :
Il est un pilier de la sauvegarde et de l’animation de la Basilique de Neuvy-Saint-Sépulcre , seul monument de l’Indre inscrit au Patrimoine mondial de l’ U N E S C O. IL y organise des expositions et des visitées guidées en tant que Président de l’ association des « Amis de la Basilique ».
- Dans le domaine Musical :
Il est Président de l’Association « Convergences », regroupement de musiciens traditionnels de l’Indre et du Cher.
Il est ancien membre du Conseil d’administration du Comité George Sand organisateur des « Rencontres Internationales de Luthiers et Maîtres Sonneurs » de Saint-Chartier. Ce festival de renommée internationale vient de traverser une grave crise, mais grâce à la volonté de ses participants et organisateurs, il vient de renaître.
Gérard Guillaume et instrumentiste ; violon, cornemuse, flûtes et guitares des Andes. A ce titre, il est cofondateur et membre de nombreux ensembles : « Humahuaca » musique d’ Amérique latine, , « les Cornemuses de la Brande », « Point du Jour », « Sonnez Bourdons », « La Confrérie de Saint-Julien », « La Bande à Bourdons » ( musique du Berry ». Il se produit aussi dans le folk rock dans « La Belle Germaine ».
- Dans le domaine touristique :
Gérard Guillaume s’investit beaucoup : il est Membre des Conseils d’Administration de l’Office de Tourisme de La Châtre , de belle renommée et de l’ ARDET ( Association Rurale de Développement Economique et Touristique ) de Lys Saint Georges .
- Dans le domaine littéraire :
Gérard Guillaume est infatigable, mais comment trouve-t-il le temps d’effectuer des recherches pour écrire des ouvrages d’une solide érudition avec André Faure ? Tels que : « Villes et villages de La Vallée Noire, Au fil de L’Indre, de la Vauvre, de l’Igneraie » – Mai 2005 et «Vallée Noire. Lieux communs et jardins secrets » Mai 2008.
Il est auteur du « Guide des églises de la Vallée Noire » -2011-et de « Vielles et cornemuses en Vallée Noire et aultres lieux du Berry -2012 » aux éditions LA Bouinotte.
Conférence de Monsieur Gérard Guillaume
« Vielles et cornemuses en Vallée Noire ».
La vie des ménétriers en Berry
Parmi les emblèmes qui caractérisent aujourd’hui le Berry on peut certainement citer la vielle à roue et la cornemuse. Mais qu’en était-il dans les siècles précédents ? Et dans quel contexte ont évolué, au cours des siècles, les musiciens qui sonnaient de ces instruments.
De nombreuses oeuvres d’art attestent de la pratique ancienne (et parfois savante) de la cornemuse dans l’Indre et le Cher.
Aux XVe et XVIe siècles, la musette est jouée par les anges (pour illustrer l’harmonie des sons et fustiger les dissonances de tous ordres) à Gargilesse (fresque de la crypte), à Paulnay (fresque), sur un cul-de-lampe à Argenton-sur-Creuse (en compagnie d’un flûtiste, d’un harpiste et d’un luthiste) et sur un vitrail de la collégiale de Mézières-en-Brenne. Dans l’abbatiale de Chezal-Benoît, sur l’appui-main d’une stalle fin XVe, un paysan cornemuseux, au sud, tandis qu’au nord on trouve un noble luthiste. Dans l’église de Poulaines, un bouffon sur une miséricorde du XVIe siècle, provenant de l’abbaye de la Vernusse. Deux paysans jouant l’un de la musette, l’autre du hautbois sur une peinture murale de l’église de Boussac (Creuse).
Le plus ancien document français qui mentionne la vielle est un manuscrit datant du IXe siècle.
Observons toutefois que si la vielle et la cornemuse avaient leur place dans les églises médiévales, l’Eglise condamnait leur utilisation profane. Pour comprendre ce paradoxe, il est nécessaire de se rappeler que, pour les théologiens, le « Bien » était toujours du côté de l’harmonie, le « Mal » toujours lié au désordre.
Au XVIe siècle, sous le règne de Henri III, la vielle et la cornemuse (sous la forme de « musette de cour » dont la poche était alimentée par un soufflet) passa de nouveau au rang des instruments nobles. Aux XVIIe et XVIIIe siècle, la mode s'en empara et il fut de bon goût d'en jouer dans les salons.
Après la Révolution, vielle et cornemuse, à nouveau délaissées par l’élite, devinrent indissociables du monde rural. La demande devint de plus en plus forte, mais les instruments étaient en nombre insuffisant pour la satisfaire. Il a donc fallu des artisans pour les concevoir ou tout au moins maintenir en état de jeu les spécimens existants. Ces fabricants se trouvèrent principalement dans les métiers du bois (menuisiers, ébénistes, sabotiers, tonneliers) voire parfois du cuir (bourreliers). Leur intérêt était d’autant plus marqué pour cette activité nouvelle qu’ils étaient eux-mêmes musiciens ou issus d’un milieu baigné de musique (par exemple : cabaretiers).
A Jenzat et dans d’autres cités du sud du département, se succédèrent plusieurs dynasties de facteurs de vielles depuis la Révolution (1795) jusqu’au XXe siècle : Pajot (père et fils), Nigout, Pimpard, Cailhe-Decante (à Charroux).
En ce qui concerne le Bas - Berry, les luthiers furent souvent associés aux « Gâs du Berry ».
Le premier fut sans doute Pierre Pouget, né en 1811, originaire d’Auvergne. Sabotier comme son père et son frère, il était installé à Saint-Martin d’Ardentes.
Jean-Baptiste Charbonnier (20 janvier 1857 - 9 mai 1925), membre des premiers « Gâs du Berry » fabriqua des cornemuses (deux autres sonneurs de la société Hypolyte Moreau et Marc Raveau furent aussi réputés). Installé tout d’abord aux « Loges du Bois » (entre Tranzault et Sarzay) il se « délocalisa » en prenant femme (Solange) le 12 janvier 1885 et vint s’installer à Ponthion (Nohant-Vic), dans une maison sur la grand’ route, au pied de la colline de Vic. Sa production de musettes fut assez restreinte (un instrument par an, au dire de son fils Georges Charbonnier, 1896-1969, qui reprit l’atelier familial).
Jules Séguin (1865-1949), avait été ébéniste à Paris. Il était réputé pour ses jolis coffres en marqueterie qu’il fabriquait au faubourg Saint-Antoine, rue Amelot. A son retour dans l’Indre, il s’établit luthier successivement aux Neurauds puis au Vivier (au Pêchereau).
Le dernier de la lignée fut Marcel Soing (1908-1984).
Existe-t-il un « folklore » berrichon ? Parler de « musique et de chanson » berrichonnes ne signifie pas qu’une culture spécifique de la province ait un jour existé. Au contraire, beaucoup des airs fredonnés ou dansés ici existent ailleurs. Mais c’est souvent dans la manière de les avoir intégrés, voire transformés, que réside l’originalité locale.
Les chansons populaires dans la Vallée Noire ont été notamment collectées par plusieurs écrivains du XIXe siècle : Laisnel de la Salle et George Sand qui écrivit parfois les paroles de « vraies fausses » chansons traditionnelles (comme « Les trois fendeurs » sur une musique d’Antoine Biagioli – selon un document que Joseph Pierre avait présenté à Pierre Panis). Puis vint le colossal travail mené par deux instituteurs au début du XXe : Emile Barbillat et Louis-Laurian Touraine.
Emile Barbillat (1882-1947) et Louis-Laurian Touraine (1870-1957) étaient instituteurs. Dans leurs postes successifs, ils collectèrent avant 1912, puis après la guerre de 1914-1918, plusieurs centaines de chansons et quelques mélodies instrumentales. La musique était notée par Emile Barbillat et les paroles par Laurian Touraine. Les Chansons populaires dans le Bas-Berry furent publiées pour la première fois en 1912, édition reprise et augmentée en 1930-1931 en cinq volumes « Editions du Gargaillou, Châteauroux).
Pour les danses, le vieux fond que certains identifiaient à tort comme « celtique ou gaulois » remonte à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance avec les « branles », chaînes humaines qui se forment en cercle.
Dans le répertoire dit « berrichon », on trouve aussi les créations de « chansonniers » du XIXe siècle (et début du XXe). On les repère par l’emploi systématique d’expressions patoisantes.
Jamais un roman de George Sand n’a autant ressemblé à un guide touristique que les « Maîtres Sonneurs ». De nombreux épisodes de cette histoire, contant les luttes entre cornemuseux du Berry et du Bourbonnais, se déroulent dans la commune de Saint-Chartier et semblent rapporter des anecdotes réelles. Bien évidemment, ces descriptions sont imaginaires mais quels qu’en soient leurs possibles fondements historiques, le mythe a été fondateur.
A l’origine, des documents nous montrent la réalité de ces pratiques en France, même si le terme de « Maître-Sonneur » (le terme de « Maître-Musicien » ou « Maître-Cornemuseur » est plus fréquent) semblerait être une invention de George Sand, influencée à la fois par les récits compagnonniques et les mythes romantiques (les Maîtres Chanteurs).
Certains des contrats d’apprentissage ont été étudiés. Pour accéder au brevet de maîtrise en sonnerie, il fallait, comme c’était la règle dans le compagnonnage, être accepté par un professeur confirmé et devenir un élève dévoué et souvent aussi un valet obéissant. Mais quand le moment était venu de montrer son habileté, après plusieurs années de travail acharné, il n’y avait aucune certitude d’être admis dans la corporation. En général, il était prévu que le maître prenne à sa charge l’entretien (linge, habits, nourriture, logement) de l’élève ; certains professeurs promettaient de fournir après l’examen les instruments de musique indispensables aux futurs maîtres joueurs. Comme pour le compagnonnage, les apprentis pouvaient être conduits à exercer leur métier loin de chez eux, en accomplissant un tour de France.
Lui-même vielleux, Jean Baffier rassembla les quelques sonneurs qui résidaient à Paris, Bourges ou dans le département du Cher et fonda au début de l’année 1888 « La Société des Gâs du Berry et aultres lieux du centre » (Le mot « Gâs » étant un diminutif de « Gals », c’est à dire Gaulois). Le but de ce rassemblement était, déclarait-il, « purement artistique, littéraire et patriotique ». La devise (qui demeure encore aujourd’hui) était symbole de la liberté dans la misère: « Nout’ soup’ est maig’, mais j’la trempons dans nout’ écuelle ». Le Président d’honneur était le poète Armand Silvestre. Baffier dota sa fondation de deux symboles : une bannière, ornée de guirlandes, décorée aux trois couleurs de la paysannerie : « le vert des prairies, le jaune des moissons et le rouge de la vigne ».
Jean Baffier était né en 1851 à Neuvy-le-Barrois, près de Sancoins, dans le Cher. Il mourut le 19 avril 1920 à Paris. Son père était vigneron. Il ira peu à l'école. En 1864, il se rendit dans la ville de Nevers. Là, à la vue de la Cathédrale, il prit la décision de devenir sculpteur.
Le 21 Septembre 1888, Edmond Augras fonda à son tour à Châteauroux une « société sœur ». « Jean Baffier avait eu la même pensée que moi, de rassembler les sonneurs et sauver nos vieux instruments. Il avait déjà groupé un certain nombre de vielleux et cornemuseux du Cher qu’il conduisait dans les fêtes. C’était la voie, je n’hésitai pas à l’imiter ». Né le 6 mars 1854 à Saint-Août (Indre) d’un père épicier, très marqué à gauche il fonda la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme et fut élu municipal sur une liste radicale-socialiste.
Après la seconde guerre mondiale, les instruments auraient pu ne devenir que de simples accessoires folkloriques. Mais dans les années 1970, le mouvement « folk » les réhabilita. Des luthiers les perfectionnèrent, notamment grâce aux « Rencontres de Luthiers et de Maîtres-Sonneurs » de Saint-Chartier. Depuis plus de 30 ans, ils sont enseignés aux conservatoires et écoles de musique de Bourges, Châteauroux, Issoudun, Nevers, Montluçon. Vierzon, etc.
Les premières « Rencontres » de Saint-Chartier, en 1976, visèrent explicitement à retrouver l’ambiance du roman des « Maîtres Sonneurs » de George Sand. Michèle Fromenteau, vielliste ayant réhabilité le répertoire de son instrument, et Jean-Louis Boncœur, l’illustre poète et conteur de la Vallée Noire, voulurent rassembler autour du château où se déroulent certaines actions des « Maîtres-Sonneurs » tous les musiciens champêtres en hommage à George Sand, dont on célébrait le centenaire de la mort. Afin de donner un intérêt supplémentaire à l'évènement, Michèle Fromenteau souhaita inviter des luthiers dans le but de les mettre en rapport avec les musiciens. Ce devait être une manifestation folklorique et le résultat fut fort différent. Folkeux chevelus et mélomanes avisés vinrent de toute l’Europe communier aux accents des bourdons.
Si l’histoire nous révèle beaucoup d’éléments sur la pratique de la cornemuse et de la vielle au cours des âges, il faut reconnaître que c’est la place qu’elles occupent dans l’œuvre de George Sand qui a assuré leur maintien et même leur actuel succès.
C’est en effet, en revendiquant clairement le mythe des « Maîtres Sonneurs » que Jean Baffier et Edmond Augras réunirent les premiers Gâs du Berry et c’est explicitement en référence au roman que Michèle Fromenteau et Jean-Louis Boncoeur créèrent les « Rencontres de Luthiers et Maîtres Sonneurs » de Saint-Chartier en 1976.
Pour en savoir plus : « Vielles et cornemuses en Vallée Noire et au(l)tres lieux du Berry », Gérard GUILLAUME, Editions La Bouinotte, juin 2012.
Pour lire le texte intégral de cette conférence : www.academie-du-berry.com
Rubrique « Séance Solennelle »
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Présentation de M. Laurent Delaume par le Clavaire Michel Delaume :
Présenter Laurent est un réel plaisir, même si louer les qualités de son propre neveu n’est pas chose facile.
Parallèlement à ses fonctions d’enseignant et de directeur d’école, il assure à l’IUFM Orléans-Tours par l’option théâtre la formation des futurs professeurs des écoles.
Co-auteur chez Bordas d’un manuel : Enseigner l’Anglais à l’école.
En 2010 Laurent est reçu au concours national de recrutement d’inspecteurs de l’Education nationale.
Outre le suivi professionnel des enseignants, il crée plusieurs actions pédagogiques, notamment :
Grande action artistique 2012/2013 « L’art en chemin »
Opération LURELU : action de lutte contre l’illettrisme : mise en relation d’élèves, de classes, d’albums, d’auteurs, de bibliothèque de villages, de bibliothécaires et de parents.
Action anticipée liée aux commémorations du Centenaire 1914 : 14 à la Une
Rendez-vous de l’Histoire de Blois : commémorer à l’école
Actuellement : constitution de ressources pédagogiques pour enseigner la Grande Guerre (notamment : la mallette de la dignité : outils pour comprendre la commémoration, en coopération avec l’Office National des Anciens Combattants.
Mars 2014 : voyage d’étude : Mémorial de la Shoah - visite du ghetto de Cracovie – visite d’Auschwitz Birkenau.
Il participe de façon active à plusieurs groupes d’arts et traditions populaires du Cher – participation à la rédaction de plusieurs fascicules sur la vieille à roue – création d’une exposition sur la vielle à roue et son histoire, participation active à la création de spectacles (textes – mise en scène) ;
En 2010 il participe à la création active du groupe de musique traditionnelle ‘Laissez Verdure’, création de plusieurs spectacles, enregistrement de deux CD. Objectif principal de ce groupe : valoriser les engagements de George Sand (écrits régionalistes, écrits politiques).
Mai 2014 : organisation d’un échange de citoyens européens (France Slovénie Allemagne) : thématique : 2014 année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire.
J’arrête là cette présentation, je lui laisse la parole sur un thème qu’il vous expliquera beaucoup mieux lui-même.
Conférence de M. Laurent Delaume :
« Enseigner la Grande Guerre à l’école en 2014 :
Enjeux des connaissances au service des compétences citoyennes »
Je tiens à rassurer les membres présents aujourd’hui, spécialistes et experts de la question historique de la Grande Guerre, mon propos n’entraînera aucune discussion sur le sens de l’Histoire, mais cherchera à éclairer l’action de l’école, lorsqu’elle aborde cette thématique, à notre époque.
Avant même le début de l’année 2014, le Président de la République avait déjà installé un Comité d’experts ayant la charge de prévoir, organiser et structurer les évènements qui allaient fédérer les Français autour de leur mémoire. La Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale est, à ce titre, un groupement d’intérêt public créé en 2012 par le Gouvernement dans la perspective de préparer et de mettre en œuvre le programme commémoratif des cinq années que sont 2014-2015-2016-2017-2018. Constituée par seize membres fondateurs, elle travaille sous l’autorité du ministre délégué chargé des Anciens combattants.
L’école n’est pas en reste dans cet évènement. Ce centenaire appartient à l’Histoire. Et l’Histoire, ainsi que la formation civique du futur citoyen relève de la mission de l’Ecole.
Voici donc la problématique que je vous soumets aujourd’hui :
Quel est le rôle de l’école dans ce « rendez-vous historique des Français avec leur mémoire ? » ou plus précisément, comment s’appuyer sur cet évènement pour donner du sens, à ce que chaque élève de la République, doit connaitre de son histoire ? Comment se servir de cet évènement pour donner du sens aux apprentissages ?
Commençons par une anecdote :
L’habitude ? Quelle habitude ? Où trouver cette participation dans les textes en tant que professeur débutant ? Faut-il préparer la commémoration ? Comment organiser cette commémoration ? Et la Marseillaise, avons-nous assez de temps pour l’apprendre, la travailler, la comprendre, savoir la chanter ?
Les Programmes de l’Ecole actuellement en vigueur sont le moteur principal de l’organisation des apprentissages des élèves. S’ils inventorient précisément les notions à faire acquérir aux élèves, et j’y reviendrai un peu plus loin, ils ne comportent nullement de mention descriptive sur le fait que les élèves auraient (comme je le racontais) à être présent le 11 novembre – jour férié très majoritairement perçu aujourd’hui par les familles comme un jour sans classe, un jour de repos au pied d’un monument, au froid, quelquefois sous la pluie, pour chanter la Marseillaise.
Chaque professeur va naturellement chercher à s’appuyer sur les commémorations qui vont s’organiser, dans le but premier de placer chaque élève en situation « d’acteur » de ses apprentissages.
Le Centenaire met à jour une articulation d’éléments fondamentalement liés à la Nation. D’un côté, le centenaire se définit comme un « temps mémoriel sociétal » incontournable, car ce temps appartient à l’Histoire de la République. De l’autre côté nous avons la République et son essence-même : si elle existe, si elle perdure, c’est grâce à ce temps. C’est grâce aussi à sa volonté d’organiser la formation organisée de ses citoyens pour lui permettre d’exister. Je pense à tous ses « enfants, tombés, pour l’amour de la patrie ».
L’Histoire s’apprend à l’école. Mais apprendre ne va pas toujours de soi…
Je souhaite donc vous exposer, le plus simplement possible, comment procède aujourd’hui l’école, dans le contexte sociétal actuel, à ce moment de son histoire. Le premier temps de mon exposé s’intéresse aux méthodes de l’école pour faire acquérir aux élèves des connaissances et des compétences, illustrées par l’exemple d’un fait historique fort : la commémoration du centenaire du début de la première guerre mondiale.
Je ne suis pas historien de l’Education, mais, le Service Public d’Education, plus exactement le Ministère de l’Instruction publique, naît avec la volonté ferme de la troisième République de former la jeunesse, pour faire progresser la société. Au départ de toute éducation dans un pays républicain comme le nôtre, il y a la Loi. Et derrière la Loi, il y a des représentants du peuple.
La lecture de cet extrait éclaire nettement de l’empreinte évidente du contexte politique dans les partis-pris éducatifs : il s’agit de former des citoyens inclus, c’est-à-dire viscéralement ancrés à l’amour de la patrie.
Depuis la moitié du XXème siècle on s’interroge sur l’efficacité des pédagogies. L’accumulation des connaissances, autrefois prônée dans des méthodes dites « expositives » est vivement contredite par les défenseurs d’une pédagogie qui, selon eux, doit être plus active, c’est-à-dire rendre l’élève plus actif, plus partie prenante dans ses apprentissages.
Mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’apprendre ?
Qu'est-ce qu'apprendre ? Chacun n'est-il pas censé le savoir, puisque c'est l'expérience humaine la mieux partagée ? Les êtres humains ne peuvent survivre sans apprendre. Pourtant, rien n'est plus complexe, fragile, subjectif, imprévisible, incontrôlable que les processus d'apprentissage.
On peut apprendre sous la contrainte. Une forme de désir est nécessaire.
Tout le monde aimerait savoir, dit Philippe Meirieu, mais pas nécessairement apprendre.
Peut-être, à condition que les savoirs en question ne nous coûtent vraiment rien, ne nous engagent à rien, ne nous fassent courir aucun risque, ne nous donnent aucun travail, ne nous prennent aucun temps.
Apprendre exige un travail de l'esprit et parfois du corps. Ce travail a rarement des effets foudroyants. Il connaît des avancées, mais aussi des phases de stagnation, voire de régression.
Seuls les " antipédagogues " croient encore que le savoir se transmet. Bien entendu, la culture se transmet d'une génération à la suivante, à la façon d'un héritage. Mais le mécanisme n'a rien à voir avec un transfert de biens. La culture s'acquiert au prix d'un travail mental que nul ne peut faire à la place de celui qui apprend.
" On n'apprend pas tout seul ", comme le clame le centre de recherche CRESAS, plaidant pour des pédagogies non seulement actives, mais interactives.
Des connaissances, mais aussi des compétences
Une compétence est l’articulation d’une connaissance, mise en œuvre dans une procédure, à un moment de la vie où l’on peut en manifester le besoin.
Maîtriser une compétence, c’est manifester l’expression d’un savoir, d’un savoir-être, d’un savoir-faire.
Enseigner la guerre à des élèves d’une dizaine d’années prend une forme particulière qu’il s’agit aussi de préciser.
Enseigner la Grande guerre, c’est enseigner des connaissances au service de la construction de compétences. C’est, pour l’école, la nécessité de faire le tri dans les supports qui vont permettre de le rendre acteur de ses apprentissages pour lui permettre de construire des compétences.
Il s’agit bien de donner des repères communs, comprendre l’unité et la complexité du monde.
Il s’agit, par une pédagogie de la curiosité développant l’action de l’élève (croisements des disciplines entre elles) de fixer des connaissances listées plus précisément comme suit :
La violence du XXème siècle : les deux conflits mondiaux , Pouvoir expliquer pourquoi le premier conflit mondial a été appelé « la Grande Guerre ».
- Connaître Clemenceau.
À partir de documents de nature diverse et en particulier d’œuvres d’art, identifier en quoi cette guerre ne ressemble pas aux précédentes.
1916 : bataille de Verdun ; Clemenceau ; 11 novembre 1918 : armistice de la Grande Guerre.
Commémorer n’est donc pas une finalité. Commémorer c’est un moyen d’apprendre, c’est aussi un moyen d’éduquer. Cette entrée pas la formulation « obligatoire » est plutôt rassurante. Car il faut y mettre du sens.
Cette formation par la commémoration existe. Elle n’est en aucun cas négligée. Des coopérations très fortes sont installées entre la Défense et l’Education, notamment par la signature de protocoles de communication.
Ce travail de commémoration, lié aux apprentissages conduits par l’école, est donc un travail un peu « hors du temps, et ne souffre d’aucune forme de modification réductrice ou d’une quelconque réforme.
Le Ministère de l’Education nationale précise donc les modalités de transmission de la mémoire et le rôle de l’école. Vincent Peillon, Ministre de l’Education nationale exprime précisément :
« L'École a un rôle essentiel à jouer dans la transmission de la mémoire auprès des enfants et des jeunes. Cette action pédagogique prend une importance toute particulière avec la préparation de la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, de 2014 à 2018, et du 70e anniversaire des combats de la Résistance, des débarquements, de la Libération et de la victoire, de 2013 à 2015. »
Vincent Peillon, Ministre de l’Education nationale, 25 mars 2013
Les jeunes générations sont associées à ces cérémonies. Ils effectuent, avec leurs enseignants, un travail préparatoire sur les événements commémorés. Leur participation est l'un des vecteurs de transmission et de réflexion sur les valeurs républicaines.
Apprendre la Grande Guerre, peut donc s’appuyer sur des actions partenariales :
Une cérémonie commémorative
Une recherche pédagogique
Les petits artistes de la Mémoire (concours national d’écriture pour les 10 ans)
Classe découverte lieu de mémoire
Des rencontres organisées
Conduite d’un projet d’apprentissage (proposition d’une classe à une municipalité)
Paul Ricoeur définit le « devoir de mémoire », comme
Le devoir de rendre justice, par le souvenir d’un autre que soi.
Je souhaite vous présenter maintenant succinctement quelques exemples du propos : « Enseigner la Grande Guerre, les enjeux des connaissances au service des compétences citoyennes. »
Projections photographies monument aux morts Vierzon, légendées par les élèves
Voici donc un exemple de méthodologie pour appréhender les connaissances
1 - Localiser
2 - Regarder
3 - Comprendre
1 – Localiser : c’est d’abord évoquer, dire, situer, savoir situer, savoir utiliser les mots et les outils qui permettent de situer et localiser…
2 – regarder : c’est orienter vers du général au particulier : savoir regarder c’est déchiffrer l’implantation, le choix des matières, les décorations, les formes et leur organisation, les noms, les inscriptions, les symboles…
3 – Comprendre : c’est faire le lien avec la connaissance des évènements, du déroulement des faits, des dates, des actions clés, des personnages clés. Comprendre c’est aussi dire. L’enseignant engagera alors ses élèves à produire, à écrire, à rédiger.
Vous l’avez compris, l’école aujourd’hui, souhaite évidemment appuyer les apprentissages des connaissances indispensables que les élèves doivent détenir par la mise en valeur du Centenaire de 1914. C’est un évènement qui touche la mémoire de la France, c’est donc un évènement qui touchera l’Ecole.
La liberté pédagogique laissée à chaque professeur permet aux élèves d’entrer dans cet évènement par les entrées qui lui sembleront les plus pertinentes pour que ses élèves atteignent les connaissances et compétences attendues.
Dans cette optique, l’Education nationale, dans le département du Cher, est en train de développer de nombreuses ressources destinées à rendre encore plus effective la participation des élèves aux cérémonies de commémoration.
Pour lire le texte intégral de cette conférence :
Rubrique « Séance Solennelle »
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Il revenait tout naturellement au Chancelier de l’Académie du Berry,le Professeur Maurice Bazot de conclure cette très enrichissante journée.
Michel Delaume
Membre du Haut-Conseil,
Clavaire – Secrétaire général.