Discours de réception de E de Lumley

 


Saint-Pétersbourg, capitale culturelle et artistique de la Russie

 


Cette intervention ne sera pas celle d’un spécialiste de l’histoire ou de l’histoire de l’art russe, que je ne suis pas.

 

Elle sera plutôt le regard porté par un attaché culturel qui y a résidé pendant 3 ans et qui s’est retrouvé au cœur des enjeux culturels pour cette capitale du Nord, comme l’appelle régulièrement les Russes.

 

De septembre 2008 à fin aout 2011, j’ai eu le privilège de représenter mon pays comme Attaché culturel pour le Nord-est de la Russie et directeur de l’Institut français de Saint-Pétersbourg et ainsi d’œuvrer à la coopération culturelle mais aussi, universitaire et linguistique entre nos deux pays.

 

L’Institut français de Saint-Pétersbourg a été créé par Paul Doumer en 1911. Il est placé sous la tutelle de l’Ambassade de France en Russie. Fermé après la révolution russe, il n’a pu rouvrir qu’après la perestroïka. Il s’installe alors dans les locaux de la Kapella impériale à quelques dizaines de mètres de la place du palais d’Hiver qui abrite le musée de l’Ermitage. Il s’installe par la suite sur la perspective Nevski, toujours dans le même quartier à une adresse qui a vu naitre Sacha Guitry alors que son père Lucien Guitry exerçait au théâtre français.

 

L’Institut français est redevenu une institution importante dans la vie intellectuelle et artistique de Saint-Pétersbourg. Il compte aujourd’hui plus de 3000 inscrits aux cours de français qui y sont dispensés et comporte une médiathèque de plus de 26000 documents. Un service culturel dynamique organise différentes manifestations, une centaine en 2010 à l’occasion de l’année France-Russie, une quarantaine en année normale. Ces manifestations sont organisées dans les lieux emblématiques de la ville. Des échanges et coopération sont organisés entre les grandes institutions culturelles et universitaires françaises et pétersbourgeoises… Je souhaite ajouter que l’Institut français joue un grand rôle dans le domaine des échanges scolaires et universitaires.

 

C’est donc au regard de cette expérience, qui m’a permis à l’occasion notamment de l’année France-Russie d’avoir un regard assez exhaustif de la vie culturelle et artistique de Saint-Pétersbourg, que j’ai proposé de présenter aujourd’hui ces réflexions.

 

Saint-Pétersbourg, capitale culturelle et artistique de la Russie. Je souhaite commencer par évacuer un malentendu qui laisserait croire que si Moscou serait la capitale politique et économique de la Russie, Saint-Pétersbourg en serait la capitale culturelle. Au risque de décevoir certains et sûrement bien des pétersbourgeois, il n’en est rien. Moscou est aujourd’hui une capitale brillante qui attire les artistes de l’ensemble du pays et même des pays limitrophes. La puissance économique de la ville n’étant pas sans raison dans cette effervescence artistique.

 

Toutefois, il est également évident que Saint-Pétersbourg, 2ème ville du pays avec plus de 5 millions d’habitants, peut apparaitre comme un centre très important de la vie artistique et de la création et qu’à bien des titres, elle ne peut être regardée comme une ville provinciale à ce titre là et continue à jouer son rôle de seconde capitale culturelle, due sans doute en partie à son extraordinaires destin historique mais également à différents éléments qui lui donnent sa spécificité dans l’espace russe.

 

Saint-Pétersbourg au XVIIIème – naissance d’une capitale européenne

 

La ville a été créée en 1703 par Pierre le Grand. Elle prendra le nom de son saint patron. Situé au fond du golf de Finlande, elle dispose grâce à la Neva d’une ouverture sur la mer Baltique et donc ce qui est particulièrement important pour la Russie d’une ouverture vers l’Europe.

 

Ce territoire était anciennement à la croisée des influences de la République de Novgorod et de la Suède. La victoire que remporte Pierre le Grand sur la Suède, va lui permettre de décider de l’édification d’une ville et d’un port à l’emplacement de l’ancienne forteresse suédoise. Les raisons politiques et économiques ont été sans doute les plus évidentes. Elles lui permettent de créer un port ouvert au commerce vers la mer Baltique et donc par là vers les riches nations de l’Europe du nord, alors que la Russie ne disposait jusqu’alors que du port d’Arkhangelsk en mer blanche, mer prise dans les glaces pendant l’hiver. La mer baltique reste navigable toute l’année. Pierre le Grand prendra des mesures énergiques pour détourner le commerce d’Arkhangelsk vers Saint-Pétersbourg (L’ouverture de cette fenêtre sur l’Europe entraine la fermeture du vasistas d’Arkhangelsk comme aiment le rappeler les habitants de cette ville).

 

Mais je pense qu’il y a dès le départ dans la pensée du tsar, un enjeu culturel également, la construction d’une nouvelle ville, puis capitale, plus européenne qui aura pour mission dans son histoire d’être un phare de cette ouverture à la culture et aux idées européennes pour l’ensemble du pays.

 

Ce choix stratégique rencontre toutefois des obstacles naturels. L’endroit choisi est peu propice à la création d’une ville en raison des inondations, et d’un environnement hostile à l’agriculture. Il faudra construire la ville en partie sur pilotis et acheminer les matériaux en provenance d’autres régions. Beaucoup de travailleurs et de serfs vont trouver la mort dans ces chantiers (fièvre des marais, scorbut, dysenterie, ..). Le climat y est peu clément, la température peut descendre à -30°C en hiver et la ville du fait de sa latitude septentrional connait des nuits très longues en hiver.

 

Dès le départ Pierre le Grand souhaite un projet très ambitieux. Il décide de faire de Saint-Pétersbourg sa capitale et une ville européenne en contraste avec Moscou, qui puisse rivaliser avec les grandes capitales européennes. Dès 1712 la cour, les ambassades, le Sénat déménagent dans la nouvelle capitale.

 

Pierre le Grand fait appel à de nombreux architectes étrangers notamment
à l’architecte italien Domenico Trezzini pour la construction des 12 collèges, siège de l’administration de l’empire, et de la cathédrale Pierre et Paul.

 

Cette politique sera poursuivie par les successeurs de Pierre le Grand, à l’exception d’une petite parenthèse sous Pierre II qui souhaite s’éloigner de cette politique d’ouverture au monde européen, en se réinstallant à Moscou. L’impératrice Anne, puis l’impératrice Elisabeth, fille de Pierre le Grand poursuivent cette politique  d’embellissement et d’ouverture aux artistes étrangers. L’architecte italien Bartoloméo Rastrelli sera invité à construire le Palais d’hiver et le monastère Smolny, dans un style baroque évoquant l’Italie et l’Europe centrale tout en créant un style indissociable de la Russie.

 

La période du règne de Catherine II (entre 1762 et 1796) est caractérisée par le renforcement de l’ouverture vers l’Europe et par la création des grandes académies : Académie impériale des Beaux Arts en 1757 dont la construction est confiée à l’architecte français Jean-Baptiste Vallin de La Mothe, la création du théâtre Mariinsky en 1783 (qui accueille les œuvres du compositeur Glinka et qui permettra à l’école du ballet russe de connaitre un grand développement sous la direction de maitres de ballet français pour la plupart).

 

Cette période est également marquée par la création de grandes résidences impériales qui rivalisent avec les plus grands palais royaux européens. Ces grands projets vont mobiliser un grand nombre d’artistes et d’artisans. En 1714 débute la construction de Peterhoff, que Pierre le Grand a décidé de faire construire après avoir visité Versailles, suivra le Palais Catherine à Tsarkoe Selo entre 1752 et 1756 que l’impératrice Elisabeth commande à l’architecte Bartoloémo Rastrelli, et que Catherine II fera agrandir par l’architecte écossais Charles Cameron. Mais aussi le palais de Gatchina sur les plans de l’architecte italien Antonio Rinaldi construit entre 1766 et 1781 ou le palais de Pavlovsk, que Paul Ier commandera à Charles Cameron (1782 – 1786). On peut citer également l’édification de l’emblématique statue équestre de Pierre le Grand à la demande de Catherine II par le sculpteur français Etienne Falconet.

 


Le XIXème et la grande effervescence

 


Le XIXème est marqué par le développement d’une esthétique néo-classique qui donne en grande partie son visage à la ville actuelle. On peut dire que là encore Saint-Pétersbourg s’inscrit dans le gout européen de son époque et comme au XVIIIème les empereurs font largement appel aux artistes européens en conduisant une politique ambitieuse d’embellissement ou même de constructions marquant la nouvelle puissance de la Russie dans le concert des nations européennes.

 

L’architecte italien Carlo Rossi marquera fortement la ville de son empreinte avec la construction du théâtre Alexandra, de l’Etat Major sur la place du palais, du château Michel, du Saint Synode du Sénat et de la bibliothèque de Russie (qui abrite aujourd’hui la bibliothèque de Voltaire). L’architecte français Auguste de Montferrand se ferra confier l’édification de la cathédrale Saint Isaac (1818 -1858), qui doit rivaliser avec St Pierre de Rome et la cathédrale St Paul de Londres. C’est Montferrand, qui édifiera, ironie de l’histoire, la colonne Alexandre, au centre de la place du palais,
pour commémorer les victoires de la Russie sur les armées napoléoniennes.

 

Saint-Pétersbourg connait pendant tous le XIXème un très important développement de la vie intellectuelle et universitaire. On peut rappeler que c’est la ville de Pouchkine qui y a vécu une partie de sa vie et qui a magnifié la ville dans son œuvre Le cavalier de bronze, de Dostoievski qui utilise Saint-Pétersbourg comme décors de nombreuses œuvres , Les nuits blanches, L’idiot, Crime et Châtiment, mais également la ville de Moussorgski, de Tchaïkovski ou du maitre de ballet marseillais Marius Petipa qui va faire de l’école russe du ballet une des écoles les plus novatrices et influentes en Europe (création de La Belle au bois dormant en 1890, de Casse-noisette en 1892, du Lac des cygnes en 1895).

 


L’Age d’argent

 

La fin du XIXème et le début du XXème, si elle est une période de trouble politique avec notamment l’assassinat d’Alexandre II en 1881, le développement des courants révolutionnaires qui conduiront aux révolutions de 1905 et 1917, est également une période de foisonnement artistique et intellectuel pour Saint-Pétersbourg, généralement qualifiée d’ «Age d’argent », avec des écrivains comme Anna Akhmatova, Andrei Biely, Vladimir Nabokov, Alexandre Blok, c’est le développement du symbolisme et du futurisme. C’est aussi la période de la naissance des Ballets russes du chorégraphe Michel Fokine qui a pris la direction du ballet du Mariinsky à partir de 1904 et du producteur Serge Diaghilev, ainsi que du génial danseur et chorégraphe Vaslav Nijinsky (création en 1909 du Pavillon d’Armide ou des Danses polovtsiennes, en 1910 de L’oiseau de feu, en 1911 de Petrouchka avec Nijinski sur une musique de Stravinsky au théâtre du Chatelet à Paris). La tournée des Ballets russes apportera une véritable révolution dans la danse et son influence sera considérable pour l’ensemble de la danse et la naissance de la danse contemporaine.

 

Saint-Pétersbourg accueille aussi à l’instigation de Jean Pougny en mars et en décembre 1915, les légendaires expositions futuristes « Tramway V » et « 0.10, dernière exposition futuriste de tableaux », dans lesquels seront présentées les œuvres suprématistes de Kasimir Malevitch, dont le fameux Carré noir sur fond blanc et les œuvres constructivistes du sculpteur Vladimir Tatline, qui auront une influence considérable dans l’histoire de l’art.

 

Saint-Pétersbourg réunit un grand nombre de cercles artistiques et la présence des grandes institutions culturelles de la Capitale impériale lui donne un éclat exceptionnel sur la scène européenne.

 

La révolution et la période soviétique – un effacement relatif

 

La ville qui connaissait 2 millions d’habitants avant la révolution voit sa population réduite à moins de 700 000 habitants. Elle perd le statut de capitale et les grandes institutions administratives seront transférées à Moscou, comme certaines grandes institutions culturelles, Académie des Beaux Arts, Bibliothèque nationale, Saint-Pétersbourg ne conservant que des antennes de ces institutions. Une partie des collections des grands musées pétersbourgeois est déménagée dans les musées moscovites. Les édifices religieux sont fermés ou transformés en musée, planétarium, ou lieu de stockage.

 

La ville est rebaptisée Leningrad en 1924 après la mort de Lénine.

 

C’est une période de crise pour la ville, rebaptisée Leningrad en 1924 après la mort de Lénine, qui ayant perdu son rôle de capitale et une grande partie de sa population a du mal a trouver sa place face à sa rivale de toujours Moscou.

 

La 2ème guerre mondiale, ou « Grande guerre patriotique » comme l’appellent les Russes, est une période douloureuse et héroïque pour la ville qui doit subir un blocus de 900 jours. Ce terrible épisode de la guerre va couter à la ville, la perte 1,2 million de civils, dont un grand nombre mourra de faim, et de 500 000 militaires..

 

Cet épisode causera également de très grands dégâts au patrimoine des environs de Saint-Pétersbourg et particulièrement aux résidences impériales qui seront souvent volontairement détruites par les armés nazis (Tsarkoe Selo, Peterhoff, Pavlovsk, Gatchina, …).  Un effet inattendu du siège de Saint-Pétersbourg par les armées allemandes sera la diffusion des institutions culturelles pétersbourgeoises vers la partie asiatique de la Russie. Certaines institutions ont été déplacées dans l’Oural notamment ce qui conduira à l’émergence par exemple d’une brillante école du ballet classique à Perm, ou d’une forte école d’architecture à Ekaterinbourg.

 

L’après-guerre est marqué par la reconstruction de la ville qui semble avoir perdu son rôle de capitale culturelle mais reste marquée par son histoire de capitale impériale. Elle a conservé de grandes institutions culturelles, comme l’Ermitage, le musée russe, le Kirov (nouveau nom du Mariinsky pendant la période soviétique), un orchestre philharmonique prestigieux avec à sa tête depuis 1938 le brillant chef d’orchestre Ievgueni Mravinski, qui a dirigé les premières de huit symphonies de Chostakovitch. Mravinski dirigera l’orchestre jusqu’en 1988, en faisant un des orchestres les plus admirés de la planète. A noter aussi l’Académie impériale du ballet qui a pris le nom d’Académie Vaganova de laquelle sortiront des danseurs mythiques comme Natalia Makarova, Rudolf Noureev ou Mikhaïl Barychnikov

 

Il convient toutefois de noter qu’un certains nombres des artistes talentueux de Saint-Pétersbourg, chefs d’orchestre, musiciens, danseurs, choisissent de fuir l’Union soviétique et d’émigrer en Occident.

 

La renaissance – un sentiment d’extrême liberté

 

Dans les années 80, pendant la période précédant la perestroïka et d’une manière plus affirmée pendant la perestroïka, Saint-Pétersbourg connait une grande effervescence culturelle. Cette renaissance d’une vie culturelle aux avant-gardes est particulièrement marquée dans la vie musicale et dans le domaine des arts plastiques. C’est l’époque où émergent de nouvelles figures qui influenceront plusieurs générations d’artistes russes. Saint-Pétersbourg, peut être de part son éloignement de la capitale politique connait une plus grande liberté de ton et regarde résolument vers l’Europe et le monde occidental. Ces jeunes artistes trouvent leurs influences dans les mouvements du Pop Art et du Nouveau réalisme américain, et dans l’esprit de la Factory d’Andy Warhol. Mais il faut également aller chercher des influences dans l’esthétique de Basquiat ou de Pierre et Gilles en France ou de John Cage pour la musique.

 

Un des groupes les plus influents de cette période est incontestablement le groupe de rock Kino avec son leader charismatique Victor Tsoï. Groupe phare de la fin de la période soviétique, les chansons de Viktor Tsoï reflètent les préoccupations de la jeunesse soviétique. Mais il faudrait citer également le groupe Aquarium de Boris Grebenshikov, ou la personnalité de Sergey Kuryokhin dans la musique expérimentale.

 

Dans le domaine des arts plastiques c’est la naissance de La Nouvelle Académie autour de la personnalité de Timur Novikov, avec des artistes comme Gueorgui Gourianov, Oleg Kotelnikov, Serguei Bougaev, Evgeni Yufit ou plus récemment Olga Tobrelouts

 

Cette joyeuse bande qui a décidé de bouleverser la vie artistique endormie de Saint-Pétersbourg, en réaction avec le conservatisme soviétique de l’Académie des Beaux Arts, se retrouve pour une vie de bohème dans des appartements communautaires (les légendaires Kommunalka pétersbourgeoises), elle investit les premiers squats (création du squat Pouchkinskaiai 10 sur Ligovsky Prospekt en 1989) et crée une télévision pirate qu’elle branche clandestinement sur des canaux de diffusion, elle invente les créations escamotables qu’il est possible de plier, rouler, faire disparaitre en quelques secondes à l’arrivée de la police. C’est la période héroïque, dont les acteurs gardent une certaine nostalgie, des expositions clandestines et des longues discussions où cette nouvelle génération d’artistes rêve de refaire le monde artistique de la Russie.

 

C’est une génération perdue qui a apporté un nouvel air frais à la vie artistique de Saint-Pétersbourg mais qui verra disparaitre encore jeunes, années après années, les acteurs principaux de cette nouvelle page de la vie culturelle de la capitale du Nord. Viktor Tsoï décèdera d’un accident de voiture en 1990. Mais dans les années qui suivent, Saint-Pétersbourg verra également la disparition de Sergey Kuryokhin, de Timur Novikov, et plus récemment du peintre Georgui Gourianov, auquel on peut ajouter le grand artiste Vladislav Mamyshev Monroe, comme des vies brulées trop jeunes dans une liberté retrouvée et une soif de vivre sans contrainte et trop vite sans doute.

 

A peu près à la même période émerge également un courant artistique qui cherche à retrouver un certain art naïf, les Mitsky avec leur chef de fil Dmitry Chagin, très présent dans la vie artistique pétersbourgeoise.

 

Les années 2000 – la place de l’économie dans la création

 

Aujourd’hui, avec la fin de l’Union soviétique et la naissance d’une nouvelle Russie, libérale et souvent matérialiste, c’est déjà une nouvelle période que vit la Russie dans le domaine de l’art contemporain. Moscou qui est le centre de la vie économique du pays a repris sa place prépondérante dans le marché de l’art qui se retrouve au centre d’enjeux très importants. L’intérêt de la nouvelle oligarchie pour l’art contemporain russe et l’apparition de nouveaux lieux d’art contemporain aménagés à l’aide de financements importants de ces oligarques a changé la donne en Russie. Les enjeux financiers prennent une place de plus en plus grande sur la scène artistique et ont un réel impact sur les orientations de la création.

 

Les arts plastiques

 

Saint-Pétersbourg n’est toutefois pas à l’écart de ce nouveau mouvement et une nouvelle génération d’artistes émerge avec l’apparition de ces nouveaux lieux de l’art contemporain. A Saint-Pétersbourg fleurissent les usines ou ateliers désaffectées transformés en lieux d’art contemporain : Loft Projekt Etagi installé dans une ancienne boulangerie industrielle, Kraznoe Znamia dans une ancienne usine de textile construite dans les années 20 par l’architecte Mendelsohn, Rizordi dans une ancienne fabrique de kvas, la Nouvelle hollande qui doit être transformée en lieu de l’art contemporain par l’oligarque Abramovitch, Erarta, un immense musée privé consacré à l’art contemporain russe et en particulier pétersbourgeois, pour ne citer que les principales nouvelles institutions qui sont apparues à la fin des années 2000.

 

Mais les grandes institutions, qui ne souhaitent pas être distancées, développent également des politiques ambitieuses pour accueillir l’art contemporain, le Musée russe avec le Palais de Marbre mais également  son bâtiment principal du Palais Michel, avec une politique d’acquisition des œuvres des jeunes artistes de Saint-Pétersbourg. Et surtout l’extension de l’Ermitage avec l’aménagement d’une partie des bâtiments de l’Etat major sur la place du palais pour l’art du XXème et du XXIème et une politique d’expositions présentant les artistes de l’histoire récente notamment de la Nouvelle Académie (rétrospective Timur Novikov en 2009).

 

Parmi cette nouvelle génération d’artistes pétersbourgeois qui ont aujourd’hui moins de 40 ans et qui ont déjà acquis une forte notoriété en Russie, je citerai Piotr Beliy, Andrei Rudev, et surtout les artistes du collectif Nepokhorenne (« Les insoumis ») : Ivan Plusch, Ilya Gaponov, Andrei Gorbounov, Irina Drozd, Maksim Svichev, qui sont exposés dans les foires internationales et les galeries à travers le monde.

 

Le cinéma

 

Saint-Pétersbourg compte également quelques grands cinéastes qui ont une reconnaissance internationale et qui restent très attachés à leur ville. Il convient de citer Alexei Guerman, décédé récemment, qui a réalisé le chef d’œuvre qu’est Kroustaliov ma voiture sur le complot des blouses blanches avec une description hallucinante des appartements communautaires. Mais je voudrais citer particulièrement Alexandre Sokourov, peut être la conscience morale de Saint-Pétersbourg, qui nous a donné les chefs d’œuvre absolus que sont Le jour de l’éclipse, Taurus, Mère et fils, Père et fils, L’Arche russe, Le soleil, réflexions très personnelle et philosophique sur le pouvoir, la transcendance et le temps et qui ont été primés dans de nombreux festivals internationaux.

 

La plus jeune génération avec Alexei Guerman fils et notamment son film Les soldats de papier.

 

La musique, la danse

 

Enfin, il faudrait rappeler la place que joue la musique avec la personnalité géniale et écrasante du chef d’orchestre Valery Guerguiev, personnage très influent de la scène artistique de Saint-Pétersbourg, qui a fait de l’orchestre du Mariinsky un des meilleurs orchestres de la planète sans oublier la place que l’orchestre philharmonique occupe toujours sous la direction de Youri Temirkanov.

 

Le ballet occupe une place particulière dans le cœur des pétersbourgeois et j’avais l’habitude de comparer la passion que peuvent avoir les fans des danseurs étoiles du Saint-Pétersbourg aux afficionados des corridas. Chaque passionné a ses danseurs favoris dont il ne manquerait aucune prestation et il n’est pas rare à Saint-Pétersbourg de se trouver mêlé à une querelle entre Lopatkinistes et Vichnievistes , les admirateurs inconditionnels des danseuses étoiles Ouliana Lopatkina et Diana Vichneva.

 

Les grands ballets du Mariinsky ou du Mikhailovsky qui sont longtemps restés des temples du classicisme cherchent aujourd’hui à rattraper leur retard par rapport aux grands ballets occidentaux dans le domaine de la création contemporaine et comme hier invitent les grands chorégraphes internationaux pour des créations pour leurs troupes : l’américain William Forsythe, le français Angelin Preljokaj, ou l’espagnol Natcho Duato.

 

La danse contemporaine reste toutefois le parent pauvre de la création à Saint-Pétersbourg. Peu soutenue par les administrations, elle a du mal à trouver sa place à coté des grandes institutions culturelles, à l’exception du chorégraphe néo-classique Boris Eifman qui a acquis une renommée internationale. Les petites compagnies de danse contemporaine  restent très expérimentales et cantonnées à des lieux plutôt confidentiels malgré le travail courageux conduit par le festival annuel
et son directeur Vadim Kasparov.

 

Le théâtre

 

Saint-Pétersbourg est sans nul doute une ville théâtrale.  La ville possède un très grand nombre de théâtres et notamment quelques grandes institutions comme le théâtre Alexandra, le BDT, le théâtre de l’Europe… où cohabitent théâtre très conservateur et théâtre de création. La particularité russe du théâtre de répertoire entraine que les créations peuvent rester plusieurs années à l’affiche. La personnalité la plus marquante, mondialement connue, est Lev Dodine (dont les spectacles tirés du répertoire de Tchekhov Les 3 sœurs, la Mouette, ou la création Vie et destin tirée de l’œuvre de Vassili Grossman sont restés inoubliables). Dans la jeune génération émerge un personnage particulièrement charismatique, le metteur en scène Andrei Mogoutchi (L’oiseau bleu, Entre chien et loup) que l’on devrait voir arriver dans les années qui viennent sur les grandes scènes nationales ou dans les grands festivals.

 

Pour conclure, je voudrais insister sur la particularité de Saint-Pétersbourg en Russie, qui par sa position géographique constitue un territoire avancée du monde européen, aujourd’hui également très influencé par le monde scandinave mais où se retrouvent toujours une réelle francophilie et un grand intérêt pour la création occidentale.

 

Saint-Pétersbourg cherche a marquer sa différence à cheval entre le monde russe et européen. Mais il faudrait ajouter que les pétersbourgeois, généralement fiers de leur ville, cultivent un esprit, différent sans doute de celui de la capitale politique, esprit empreint d’admiration et de respect pour la vieille capitale impériale, dont ils conservent sans doute une certaine nostalgie.

 

Lecture d’un extrait du roman Pétersbourg d’Andrei Biely …


                                                                    Edward de Lumley - 12 octobre 2013

 

 
Dernière modification : 16/11/2013
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