Discours de D Juillard

La presse quotidienne française va-t-elle disparaître ?


Intro.

J’aurais aimé vous dire que la presse allait bien, qu’on lisait de plus en plus de journaux en France et dans le monde et que tout cela était le signe d’une curiosité et d’un appétit de comprendre, de savoir bienvenu.

Mais il n’en est rien. La presse traverse la crise la plus grave de son histoire au point qu’un professeur d’université américain, Philip Meyer, a prophétisé la disparition des imprimeries en 2043, c’est-à-dire dans trente-quatre ans.


Qu’en est-il ? Quelle est la réalité de la situation ? Pourquoi en est-on arrivé là ? Que peut-il se passer ?  La presse peut-elle s’en sortir et comment ?


Un peu d’histoire.

Premier journal en France : Théophraste Renaudot, originaire de Loudun, dans la Vienne, 1631, lance sa célèbre Gazette, sponsorisée, dirait-on aujourd’hui par Richelieu et  qui s’arrête en 1915. On date de 1902 la naissance de la presse de masse avec Le Petit Parisien qui dépasse le 1 million d’ex. Il atteint même 1,45 million en 1914 ! A partir du 4 avril 1904, le P.Parisien parait avec un sous-titre, justifié pendant trente ans: "Le plus fort tirage des journaux du monde entier" Anecdote: le plan du parcours à suivre le jour des obsèques de Victor Hugo, en 1885, inclu dans le journal, augmente aussi sa vente ce jour-là. Fin 1916: plus de 2 millions d'exemplaires vendus pour le Petit Parisien. Le lendemain de la victoire (12 novembre 1918), le journal dépasse les 3 millions d'exemplaires. En 1908, on compte plus 300 quotidiens en France contre quelques dizaines aujourd’hui. Le haut de la courbe de la lecture de la presse quotidienne en France, ce sont les années 50/60. Depuis, le nombre de quotidiens et le nombre de lecteurs n’a cessé de baisser. Etats généraux de la presse fin 2008.


Caractéristique de notre presse

Nous sommes parmi les plus gros lecteurs de presse magazines au monde et parmi les moins lecteur de presse quotidienne. Les Italiens, Espagnols, Anglais Allemands, Japonais, et surtout pays du Nord lisent plus que nous. (Cas de la Norvège). Norvège : 704 lecteurs/pour 1000 habitants ; Japon : 653 ; Suisse : 438 ; GB : 402 ; All : 332 ; USA : 269 ; Fr : 164 ; Esp : 127. Diffusion quotidiens nationaux : Le Monde : 350 000 ; Aujourd’hui : 335 000 ; Le Fig : 340 000; L’Equipe : 333 000.

Par  contre, magazines : 4 à 5 newsmagazines, (2,1 millions d’ex achetés par semaine de Xprss, Le Pt ; L’Obs, >535 ; Courrier I ; Valeurs  Act. ; Marianne ; Paris Match, 728 ex ; Le Fig Mag , 461). Journaux féminins, on ne les compte plus ! A l’Ojd, il y en a 36 Mode femmes (Femmes actuelles, 1,1 million ; Prima, 550 ; Elle, 366 ; Marie Claire, 480 ; Cosmo, 401. Presse féminine > 8,2 millions d’ex !); 5 Santé ; 13 Cuisine ; 9 People (3 millions d’ex /semaine) ; 29 Maison déco ; 11 Brico jardin.  Et 17 PQN, (dont 5 courses hippiques, deux spécialisés économie, 3 sport, anglais. > reste 6 généralistes dont aucun ne gagne de l’argent),  69 PQR, 250 PHR.

Problème N°1 : la PQNF est plus fragile que ses consœurs européennes et subit une érosion continue depuis près de quarante ans. Cette fragilité prend sa source à la Libération en 1944/45. Ts les anciens groupes de P ont été dissous en raison de leur  attitude Collaboration. Dans un souci de diversité politique, on a voulu créer une égalité entre ts les titres :1) on a confié la P à  des groupes politiques et  à des groupes de résistants, à des groupes idéologiques. C’est ce que l’historien de la presse, Patrick Eveno appelle, l’imposture de la Libération. On a fait la même chose avec les radios privées sauf Europe et RTL, avant 82 et idem avec la TV jusqu’en 86. D’où un certain ss dévlpemnt publicitaire Fr. 2) NMPP et Synd. du Livre. Conséquences : surcoûts considérables et corporatisme de la P géré dans un syst. d’aides de l’Etat. Tt cela était construit sur un modèle en réaction contre la P de la collaboration. On a voulu faire l’égalité ; en économie de marché, c’est totalement illusoire. Ce système : on maintient en vie des ent. qui ne réussissent pas alors que ceux qui réussissent sont pénalisés parce que obligés de subventionner les autres. EX NMPP, Bertelsmann, G und J. et cas Hachette en Allemagne.

Problème N°2 : dans les années 80, les ent de presse ont oublié que la personne la + importante, c’était le lecteur. Les  patrons de journaux n’ont pas anticipé pour repenser les rédactions, leurs formules, leur  lectorat. Et à l’image de la PQR, se sont imaginés que l’environnement concurrentiel n’allait pas changer. Qot Nat Fr : 2,14 M ; PQR : 5,6 ; PHR : 1,7. The Sun : 3,2 M ; Daily  T : 900 ; Bild : 3,6 ; Frankfort : 400 ; etc Yomiuri Shunbum : 14,2 M d’ex ; Asahi Shimbum : 12,3 !

Problème N°3 : la presse F est chère, plus chère que ces confrères E. Et voilà que notre P traditionnelle est confrontée depuis 2002 à un phénomène, à  un ovni, la presse gratuite. Le J qui a le plus grand nombre de lecteurs en Fr  aujourd’hui est un gratuit. 20 Minutes : 2,5 millions de lecteurs, Métro : 2,3, L’Equipe : 2,3 ; Le Monde : 2 ; Le Parisien : 2. Ça pose un vrai problème aux éditeurs : on leur montre qu’on peut faire un vrai journal de qualité gratuit. Pourquoi en acheter alors  que… Ces journaux ne font pas d’analyses, des papiers courts, pas ou peu de commentaires, des infographies. Comment la presse se positionne par rapport à ça ?

Problème N°4 : les 2 + gros groupes de presse Fr sont adossés à des industries d’armement. Ailleurs on a des géants de la com presse : Bertelsmann, Mondadori, Prisa qui ont su se diversifier vers d’autres médias et créer de vrais groupes. Qd j’ai commencé dans ce métier, une famille. Aujourd’hui c’est fini et ce sont soit des groupes industriels, soit des sociétés d’investissements qui ont mis de l’argent dans les médias. En même temps qu’ils en mettaient dans l’industrie, la pharmacie, le luxe ou les transports.  A noter cependant que Lagardère est le 4e groupe mondial derrière Time Warner, Bertelsmann et Murdoch.

Problème N°5 : Internet bien sûr. Savez-vous que 33 millions de Fr de + de 11 ans se sont connectés au cours du dernier  mois ? Ils étaient 25 M en 2004, 15 en 2002, 5 en 1998 et 95 000 en 1996 ! Ça va vite, très vite. Internet, ça prend du temps et de l’argent, du T et de l’A qu’on ne consacre pas à la presse. Et savez-vous que si 49 % des ménages Fr se sont connectés en 2007, ils étaient 43 % en It., 58 % en Slovénie, 71 % en Allemagne, 83 % aux P.Bas ! Et conséquences sur la pub !



Alors, faut-il désespérer et va-t-on vers une mort lente mais certaine de la presse ? Non, mais

Raison d’espérer N°1 : jamais un nouveau média n’a tué les anciens : ex la radio n’a pas tué la  presse et la TV n’a pas tué la radio. De même, on a annoncé la mort du livre plusieurs fois et il est tjs là et bien là.

Raison d’espérer N°2 : C’est vrai que sur internet, on a tt et davantage. Mais attention à la fiabilité de ce qu’on y trouve. + il y aura de l’info sur un nombre varié de supports de – en – validé, + cela relégitimera les médias classiques.

Raison d’espérer N°3 : sur Internet, on a ttes les infos du monde à plat mais la vie, l’histoire, la politique, l’information, ce sont des choses en relief qu’il faut voir  avec ses yeux et ses pieds, ce qui laisse un espace pour la presse.

Raison d’espérer N°4 : le problème des moteurs de recherche et de ts ceux qui sont opérateurs sur Internet, c’est le contenu. C’est la clé. Quand tt le monde va dans le même sens et fait la même chose, la différence se fait sur ceux qui justement se distinguent. Or qui a le contenu aujourd’hui ? Entre autres la presse.

Raison d’espérer N°5 : justement certains groupes de presse l’ont bien compris : L’Equipe, Les Echos, Le Monde, entre autres en France, proposent des systèmes globaux d’informations ss forme de papier, d’images, de liens, de sons…


Il est certain que rien ne sera plus jamais comme avant  Internet, les groupes de presse pas davantage qui ont intérêt à s’interroger sans cesses sur la réponse qui doit être la leur et qui n’est à l’évidence pas du tt la même que celle d’il y a seulement cinq ans ! 

Et puis la mondialisation est passée par là. Cuisine, culture, vêtement, automobiles, tourisme… C’est dans cet univers qui est désormais le nôtre qu’on a le plus besoin de racines et d’identité. Cette identité que la presse peut donner.

Car ce qui intéresse les gens, c’est qu’on leur parle de trois choses : d’eux-mêmes, d’eux-mêmes, d’eux-mêmes !


Une anecdote pour finir, au début du XVIe siècle, les copistes de Venise s’étaient mis en grève pour protester contre l’imprimerie qui dévastait leur corporation. Ce n’était à l’évidence pas la bonne attitude à adopter. Aux professionnels de presse de trouver la réponse sous peine, eux aussi de disparaître.


                          Daniel Juillard, directeur de L’Echo du  Berry

 
Dernière modification : 04/09/2009
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