Abbé Moreux

L’Abbé Théophile Moreux

Astronome à Bourges,

(1867-1954)

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par Alain Bilot,

Officier des Arts et des Lettres,

Président de l’Académie du Berry.


Résumé : L’Abbé Théophile MOREUX (1867-1954) fut un astronome berrichon de renommée internationale ; ses nombreuses observations depuis son observatoire de Bourges ont porté sur la Lune, les planètes Mars, Jupiter, Saturne ,les taches solaires et les comètes .. Actuellement, ses théories sont largement dépassées, suite aux  remarquables progrès que connaît l’astronomie depuis une soixantaine d’années. A son époque, ses savants travaux à la portée du grand public ont passionné ses lecteurs et suscité des vocations d’astronomes.

Summary : Abbot Theophile MOREUX  (1867-1954) was an internationally  renowed astronomer from Berry ;  his numerous observations from his observatory in Bourges focused on the Moon, the planets Mars, Jupiter, Saturn , sun-spots and comets. Currently, his theories are largely outdated due to remarkable progress in astronomy since about sixty years. In his time, his scholarly works were accessible to the general public and aroused vocations of astronomers among passionate readers.   

COMMUNICATION :

THEOPHILE MOREUX dont le prénom signifie « l’ami de Dieu » ou qui «aime Dieu » nait le 20 novembre 1867 à Argent-sur-Sauldre au nord des collines du Sancerrois. Sa mère très engagée dans la communauté catholique influencera sa vocation d’être prêtre. Son père,  instituteur fort érudit lui ouvre l’esprit sur les  sciences, les lettres françaises, le grec et le latin.
La lecture des œuvres du célèbre astronome CAMILLE FLAMMARION  (1842- 1925) lui donne le  goût de l’astronomie. Après de solides études, le jeune Théophile entre au petit puis au grand séminaire de Bourges  qu’il  quitte en 1889, trop jeune pour accéder à la prêtrise. En 1890, nommé Professeur de mathématiques au petit séminaire, il se lie d’amitié avec l’Abbé Hortu, son ancien professeur à la vaste culture qui lui demande d’illustrer ses ouvrages sur la géologie en Berry : en effet,  les talents de dessinateur du jeune professeur  sont  reconnus ; ce don, il le mettra au service  de l’astronomie.

L’ ABBE ASTRONOME et la SOCIETE ASTRONOMIQUE de FRANCE.

Ses premières observations astronomiques ont lieu ,semble-il ,dès 1890 – il a alors 23 ans - à l’aide d’une première lunette que lui aurait offerte son père. Le Chanoine Girard, dans son discours du 20 Novembre 1955 lors de l’inauguration de la Rue de l’ Abbé Moreux à Bourges émet l’avis que l’Abbé et  son camarade Emile JACOB – futur écrivain régionaliste HECTOR de CORLAY-  auraient rencontré à Saint-Chartier (Indre) l’ Abbé Mugnier, ami des célébrités  : il  les aurait vivement  encouragés dans leurs désirs de s’ adonner respectivement à la science et à la littérature. Hervé FAYE, autre berrichon, astronome et météorologue à l’Observatoire de Paris l’  aurait  peut-être aussi encouragé dans cette voie.

Toujours est-il qu’il observe SATURNE et son satellite TITAN ; Th. Moreux se passionne pour une tache solaire dont il réalise des aquarelles très précises les 28 et 29 Janvier 1891 avec une modeste lunette de 57 mm. Il envoie rapidement le résultat de ces observations à la renommée  SOCIETE ASTRONOMIQUE de FRANCE (S A F) créée  par CAMILLE FLAMMARION dont il sera souvent question dans cette communication.

Le 29 Juin 1891, ordonné prêtre  Th. MOREUX
devient secrétaire particulier de Mgr. BOYER Archevêque de Bourges. Il remplit avec zèle cette fonction, sans grand enthousiasme. L’Archevêque, ayant constaté la louable  passion de son  secrétaire pour l’astronomie lui offre une lunette plus performante de 95 mm.

Comment le jeune abbé est-il entré en relation avec la S A F,  société savante de grand prestige ?

Qui a conduit  le jeune Abbé à envoyer ses travaux à l’illustre C. FLAMMARION ? nul ne le sait …

Le 4 Février 1892, Hervé FAYE, Président de la S A F fait communication des travaux de Th.  Moreux sur les taches solaires et C. FLAMMARION les cite lors de l’Assemblée générale de la S A F de cette même année.

Début Août 1893, il observe à nouveau des taches solaires qu’il dessine remarquablement et note la rotation du phénomène. Fin septembre, C. FLAMMARION l’invite à l’Observatoire de Juvisy. Lors de la séance du 4 Octobre 1893, l’Abbé est présenté comme Membre de la S A F, inscrit sous le N° 624.  Les observations de Juvisy avec ses amis ANTONIADI et QUENISSET qui ont une meilleure pratique que lui sont riches d’enseignement, sans compter les fructueux  échanges de vues avec C. FLAMMARION. Les nombreuses communications écrites de Th. MOREUX publiées régulièrement front preuve d’un esprit scientifique rigoureux, clair et argumenté.

En 1899, après l’incendie partiel du petit séminaire de  Bourges, bénéficiant de l’appui des autorités diocésaines, il réussit à installer un observatoire bien conçu en maçonnerie avec coupole tournante, son rêve .


Mais en Juin 1905 survient la Loi de Séparation de l’ Eglise et de l’Etat, alors que le Bureau des Longitudes le désigne comme Chef de mission pour aller étudier l’éclipse totale du soleil  du 30 Août 1905. Th .MOREUX  choisit Sfax  (Tunisie) comme lieu d’observation. Les 5 membres de l’expédition bien équipés  s‘installent sur la terrasse de l’église de Sfax. L’Abbé réalise des centaines de plaques photographiques dont il devra faire des agrandissements, se basant au besoin  sur les négatifs pour en faire de méticuleux dessins. Après le 31 Août, ils feront du tourisme ; nous verrons que l’architecture de  l’église d’ HAMMAMET l’inspirera.

Suite à cette Loi de 1905, il a bien fallu fermer, dans la mort dans l’âme,  le séminaire.  L’Abbé n’avait pas la somme nécessaire- 25 à 30 000Fr de l’époque- pour élever un nouvel observatoire.

CAMILLE FLAMMARION dans un article du FIGARO du 1er décembre 1906 fait un rappel des remarquables travaux accomplis au petit séminaire  Saint –Célestin ; pour venir en aide à son ami Moreux, il  demande aux lecteurs de  souscrire  à  l’achat d’un terrain pour  l’édification d’  un nouvel observatoire : Hélas !!!! : cet appel à la générosité des lecteurs ne récolta que 2240 frs.  Le 15 décembre, l’Abbé eut juste le temps de déménager ses instruments scientifiques transportables  et de les garer dans un hangar.

Mais la grande lunette  solidement fixée sous la coupole ne put être déménagée… Le 28 Janvier 1907, les cours reprendront à l’Institution  Sainte-Marie. L’Abbé suit donc ses élèves tout en s’évertuant à reprendre  ses travaux  le plus  vite  possible  dans un cadre adéquat.


Il achète pour 1700 frs  un terrain dans une zone alors peu urbanisée de Bourges, sur le coteau  dominant l’Arnon, donnant dans l’actuelle rue Ranchot, pas loin de l’hôpital militaire. Il  écrit à C. FLAMMARION que son problème est de trouver des fonds car il n’a pas le premier sou pour construire !

Autre problème : comment récupérer le matériel qui reste dans son ancien observatoire du petit séminaire déserté ?  Dans le  salon de Mme de Caillavet,  notre Abbé plaidera sa cause auprès des autorités gouvernementales, de savants et de la haute société parisienne : il donnera une  judicieuse conférence sur la planète Mars avec projections. Ses instruments lui furent rendus  gracieusement.


A cette époque, il nourrit un  projet  grandiose : celui d’un vaste  observatoire devant être financé par un riche mécène du nom d’OSIRIS mais le projet  capota  à la mort prématuré de ce dernier. Notre astronome, toujours déterminé ne se désespère pas longtemps et après la fin de l’année scolaire ,décide de se consacrer entièrement à l’astronomie et  en premier lieu à la construction de son observatoire.

Il édifie un curieux bâtiment  de style mauresque sur trois niveaux, avec une terrasse aux murs crénelés, cadran solaire et ornements en céramique    terminé en 1909, visiblement  inspiré  par l’église d’ HAMMAMET. Cette étrange  maison destinée à abriter une  coupole circulaire d’observation du ciel est toujours visible au 22 rue Ranchot . Depuis cet observatoire équipé d’une lunette de 108 mm puis de 162 mm, l’Abbé ne pouvait pas étudier l’univers des étoiles : il doit se limiter à observer la Lune ainsi que Mars,  Jupiter, Saturne et les comètes. 


CAMILLE FLAMMARION et L’ABBE  MOREUX


Mais qui  est CAMILLE FLAMMARION ?

Né le 26 Février 1842 à Montigny-le-Roi (Haute-Marne) et décédé à Juvisy-sur-Orge, le 3 Juin 1925 (Essonne), Camille FLAMMARION  a donc  25 ans de plus que l’abbé Moreux. Son jeune frère, Ernest (1846-1936) est le fondateur des Editions Flammarion. 

Après des études au séminaire de Langres et reçu « élève astronome », Camille FLAMMARION ne se consacre pas à la prêtrise mais  entre en 1858 au Bureau des Longitudes  dépendant de l’Observatoire de Paris. Se fâchant avec son Directeur il est renvoyé 4 ans plus tard ; il devient rédacteur scientifique de la revue « Le Cosmos » puis du journal « Le Siècle ». En1868, C. FLAMMARION  effectue plusieurs ascensions en ballon pour étudier l’état hygrométrique et la direction des courants aériens. Il fonde en  1883 le fameux Observatoire de Juvisy, équipé d’une lunette de 24 cm de diamètre pour des observations planétaires. En 1887, il créée la Société Astronomique de France. Au long de sa carrière, il  rédige une cinquantaine d’ouvrages.

Son  célèbre traité
« Astronomie populaire » de 1880, premier ouvrage de vulgarisation de l’astronomie remporte un énorme succès et lui assure  une gloire internationale.

LES RELATIONS C. FLAMMARION et l’Abbé MOREUX

-      Une franche amitié

La première relation de travail entre l’Abbé Moreux et le célèbre C.  FLAMMARION date de septembre 1893, suite à un envoi de quelques observations en provenance de Bourges : « Je reçois vos admirables dessins…..ils feront la joie des observateurs » lui écrit C.FLAMMARION qui avait l’art de découvrir de jeunes talents. Théophile Moreux ne manque pas de qualités : grand travailleur d’une vive intelligence, observateur méticuleux et patient, et excellent dessinateur. Ainsi, tous les ans, les deux astronomes se rencontrent à Juvisy pour de passionnantes séances de travail. Leurs relations vont devenir de plus en plus chaleureuses ; de « Cher Monsieur »au début des années 1890, on passera à « Bien cher Maître »,  FLAMMARION répondant « Cher ami ». Cependant, l’Abbé Moreux gardera toujours son indépendance
et ne sera jamais lié par contrat à l’observatoire de Juvisy. Il reconnaîtra la capacité d’intuition du grand scientifique, particulièrement dans  l’établissement de la loi du parallélisme des taches et des températures  solaires.

C. FLAMMARION soutiendra son ami lors de l’incendie de l’aile sud du petit séminaire Saint-Célestin et soulignera «  les hautes espérances que nous avons fondées depuis longtemps sur vous et au brillant avenir qui s’ouvre devant vos laborieuses investigations .. » . Quel bel hommage ! . 

-      Une brouille difficilement explicable

Curieusement, à partir du milieu de 1907,  les relations entre les deux hommes se gâtent : après l’achat du terrain de la rue Ranchot, l’abbé reproche-t-il à C.FLAMMARION de ne pas l’aider à financer son projet d’observatoire .. ??  Il ignorera son ancien ami et l’  attaquera même dans ses livres et « La revue du ciel ». Dans son ouvrage « Aux confins de la Science et de la Foi » (1923) il se moquera même de C .FLAMMARION qui décrivant  l’immensité de l’Univers
parle de « vestibule de l’infini » .Il y aurait eu peut-être aussi  des différends avec la seconde épouse de C. FLAMMARION, Gabrielle, entrée à la S A F en 1902.

On peut aussi avancer l’hypothèse qu’une activité de C  FLAMMARION  a dû irriter l’Abbé : le spiritisme !: passionné par la communication avec les morts, les fantômes, les maisons hantées,  l’illustre astronome rédigera entre autre, en 1862 «  Les habitants de l’autre Monde » véritable profession de foi spirite .Le 2 avril 1869, il prononcera un vibrant éloge funèbre lors des funérailles d’ALLAN KARDEC.

Qui est ALLAN KARDEC ?

Né Hippolyte  Léon Denizard  RIVAIL ( 1804 -1869),il découvre les tables tournantes en 1855 et prend son nom de ALLAN KARDEC celui, d’après lui d’une vie antérieure alors qu’il était druide. Ses deux ouvrages « Le Livre des Esprits » (1857) et « Le livre des Médiums » (1861) publiés en plusieurs langues  sans cesse réédités jusqu’à nos jours fondent le spiritisme. Comme son maître, C. FLAMMARION affirmera que le spiritisme est une science, pas une religion. Au Père Lachaise, la tombe de KARDEC, sans cesse fleurie est un lieu de pèlerinage.  Cette passion  de C. FLAMMARION  pour  le spiritisme, de plus libre penseur et anticlérical,  a sans aucun doute heurté dans ses convictions religieuses
l’ecclésiastique : on n’imagine pas notre abbé demandant à une table  « Esprit, es-tu là .. :!!! ». 

Le problème  des CANAUX de la planète MARS

Les principaux objets d’étude de C. FLAMMARION sont  les  taches solaires, les étoiles doubles et surtout la planète MARS : Théophile MOREUX étudiera toute sa viela planète rouge.
FLAMMARION  est certain d’ identifier sur Mars des canaux artificiels. Dans son ouvrage « La planète Mars et ses conditions d’habitabilité » il envisage que sa chère planète est peut-être habitée par « une race supérieure à la nôtre ». Telle n’est pas la position, à cette époque, de l’Abbé Moreux : avec son ami astronome Eugène-Emile  ANTONIADI (1870-1944) lors d’une conférence de Juin 1898 devant la S A F, il ne voit dans  les « fameux canaux » de FLAMMARION que de simples phénomènes optiques. Dans « Le ciel et l’univers »
Th . Moreux avance l’idée que le relief de Mars pourrait être semblable à celui de la Lune, avec des cirques, idée prémonitoire.
Mais sa position évoluera  complètement : dans « Les autres mondes sont-ils habités ? » (1912) puis « dans « La vie sur Mars » (1924) , Moreux avance l’idée que Mars ne peut s’expliquer sans le travail des Martiens et que les fameux canaux sont d’origine artificielle «  Dernières manifestations d’une vie qui s’éteint lentement, anesthésiée par le froid » écrit-il . Il rejoint ainsi la position de C. FLAMMARION.


RECHERCHES sur LE SOLEIL


Théophile MOREUX sera toute sa vie fasciné par les phénomènes dont est l’objet notre astre du jour : le SOLEIL, particulièrement les taches  solaires. A l’occasion de la grande tache de Février 1894, il bénéficiera de l’invention du fusil chronophotographique mis au point par ETIENNE-JULES MAREY (1830-1904) célèbre physiologiste qui lui prête son laboratoire.

Lors de l’éclipse du 28 MAI 1900, FLAMMARION emmène MOREUX en Espagne au cours d’un voyage triomphal  pour honorer l’illustre astronome.
Dans LE PROBLEME SOLAIRE (1900), premier livre écrit seul,
préfacé d’une manière élogieuse  par C. FLAMMARION,  MOREUX exposera
ses théories sur l’origine de ce phénomène  étrange. Pour lui, les taches solaires sont des régions de hautes pressions hyperthermiques dues à la chute de météorites qui suppriment la radiation photosphériques d’où leur aspect sombre. Pour son ami berrichon  HERVE FAYE (1814-1902) et le Père ANGELO SECCHI ( 1818-1878 ), les taches sont, soit des tourbillons photosphériques causés par le différentiel de vitesse aux différentes latitudes solaires  soit des dépressions dues à des diminutions de la pression interne des couches sous -jacentes. A l’occasion de ses travaux, notre Abbé reçoit le Prix annuel 1902 de la S A F.


INFLUENCE du SOLEIL


L’Abbé MOREUX se consacrera aussi à l’étude de l’influence de l’activité solaire

sur l’atmosphère terrestre  idée alors fort  à la  mode ; ceci  le conduira à une prévision du temps dans le Berry : d’où de nombreux articles de journaux expliquant les changements climatiques du début du XX ème siècle ; il parle de cycle de 11 ans et même de 33 ans ,idée  critiquée par de nombreux climatologues d’alors.


En 1903, annonçant de fortes pluies et des inondations, par un heureux hasard,  il a raison d’où une grande notoriété. En 1910, lors de la  grande  inondation de Paris, il vulgarise sa théorie dans un article de l’ILLUSTRATION du 19 Mars ; il décrit le soleil parcouru de  « tempêtes effroyables, d’indescriptible chaos, d’éruptions gigantesques de vapeurs métalliques s’élançant à des centaines de milliers de kilomètres ». Les orages magnétiques, selon lui, trouvent  leurs origines dans les variations de l’électricité solaire.

Par les variations de  l’activité solaire ; il expliquera  bien des phénomènes :

En 1906, dans le NEW YORK HERALD, il prévoit le gigantesque tremblement de terre qui ravagea SAN FRANCISCO exactement la veille du drame. Quelle chance !.... .Le  tremblement  de terre destructeur  du détroit  MESSINE du 28 Décembre 1908, l’éruption du Vésuve, les séismes de Formose et d’ Amérique Centrale et même le coup de  grisou catastrophique de la mine de Courrières…… Tout a une origine solaire … ! Après le séisme de la Provence du 11 Juin 1909 qui fait 650 morts il publie le premier  ouvrage de  vulgarisation sur ce sujet : LES TEMBLEMENTS DE TERRE, Les causes, les régions menacées , comment s’en préserver ? ( 1909).

Reconnaissons que notre Abbé , enthousiaste quant à ses travaux sur l’activité solaire va nettement  trop loin dans ses certitudes… !!

UNE ACTIVITE  DEBORDANTE

Il serait fastidieux de citer tous les ouvrages que l’Abbé a écrit  et les très nombreuses conférences qu’il a animées en France mais aussi à Bruxelles et à Londres tant était grande sa renommée !Il était infatigable, débordant d’activités s’attaquant à de nombreux domaines de la connaissance .  A partir des années 20, il dirige dans la Bibliothèque d’éducation scientifique 25 ouvrages à vocation pédagogique destinés aux élèves qui n’ont pu étudier au-delà de l’école primaire : séries des POUR COMPRENDRE ….et POUR CONTINUER ….

Dans la série POUR COMPRENDRE, citons, pas exemple :

-     
Qui sommes - nous ? Où sommes-nous ? D’où venons-nous ?Où allons-nous ?, L’arithmétique, L’algèbre , La géométrie moderne,  La physique moderne, Le latin, Le grec, L’italien, Pour reconnaître les fleurs ( en 2 volumes)…etc…

Comme ouvrages de vulgarisation , citons : Les Merveilles des Mondes, Peut-on bombarder la Lune ? L’Atlantide  a-t-elle existé ?

Il écrira deux romans, dont Mon curé chez les savants .Son oeuvre compte une centaine de livres dont une trentaine consacrée à l’astronomie.

LES LACUNES de l’Abbé MOREUX.

Il faut reconnaître que notre astronome berrichon est passé à coté de découvertes fondamentales qu’il a niées, ce qui a pu nuire à la qualité de ses travaux. 

-      La théorie de DARWIN

Fidèle à la doctrine  traditionnelle d’une  Eglise alors très frileuse en matière
d’innovation scientifique, il s’opposera farouchement  aux théories évolutionnistes  de DARWIN, écrivant :« L’ homme se trouve en haut de l’échelle des êtres vivants. Par son âme et sa pensée, il se distingue complètement des créations précédentes ; il ne saurait dériver de l’animal, fût-il le plus perfectionné que nous puissions découvrir »(1910 ).

Par contre, nous avons vu qu’il n’exclut pas l’existence d’une vie ailleurs que sur la Terre, particulièrement dans  Mars. Dans « Les autres mondes sont-ils habités ? », il ne voit aucune contradiction entre le dogme catholique et cette possibilité, soulignant d’ailleurs que la thèse de la pluralité des mondes existe depuis longtemps. Foi et science pour lui ne sont pas antinomiques ,il  démontre que la Science mène directement à Dieu .

-      L’ expansion de l’ Univers

Les découvertes de Mgr. Georges LEMAITRE ( 1894- 1966) astronome belge puis de EDWIN  HUBBLE (1889-1953), astronome américain sur l’univers extra - galactique lui ont totalement  échappées ; La Loi de HUBBLE énonce que les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse approximativement proportionnelle à leur distance : c’est la Loi de l’expansion de l’Univers.
Elle énonce l’existence d’autres galaxies en dehors de la Voie Lactée. Mgr LEMAITRE formulera cette Loi avant HUBBLE et énoncera la théorie de l’atome primitif, à l’origine du BIG-BANG.

-      La théorie de la Relativité

Quant à la fameuse théorie
de la RELATIVITE d’ EINSTEIN (1879-1955) formulée en septembre 1905, le jamais démenti E=mc2, qui unifie les théories de la matière et de la  lumière, l’ Abbé MOREUX l'a  vigoureusement combattue dans son ouvrage « Pour comprendre Einstein » dans une tentative d’arrière garde pour sauver la théorie de Newton considérée comme définitive. Il est vrai que la RELATIVITE dans les années 20 était rejetée par la plupart des astronomes.


QUEL EST L’ HERITAGE SCIENTIFIQUE ACTUEL  de l’ABBE MOREUX ?

Passons en revue les principaux thèmes de ses recherches :

La PLANETE MARS :

Depuis son « amarsissage » le 6 août 2012, le rover CURIOSITY de la NASA parcourt  Mars à petite vitesse accumulant un nombre impressionnant de données en quête d’une vie passée. Il ne cherche pas à identifier des canaux chers à C. FLAMMARION et à l’Abbé MOREUX : il est en train  de prouver que l’eau, indispensable à la vie a été présente sur cette planète. La prochaine étape sera d’y découvrir de la matière organique, c'est-à-dire formée des éléments carbone, hydrogène, oxygène et azote. En 2016, la sonde TGO (Trace Gas Orbiter ) ira se placer en orbite martienne pour analyser l’atmosphère de Mars en vue de comprendre pourquoi la plus grande partie de cette atmosphère a disparu et tenter de détecter des gaz qui pourraient résulter d’organismes vivants. Puis en 2018, un rover européen sera déposé sur la planète  rouge , muni d’une foreuse capable de tercer jusqu’à  2 mètres là où des molécules organiques existeraient. D’autres programmes sont planifiés. Les astronomes estiment que la Vie a pu être possible sur Mars il y a quelques milliards d’années.


FLAMMARION et MOREUX ont eu peut-être en partie raison… ??       

LES TACHES SOLAIRES

Les théories de l’Abbé MOREUX, comme celles de ses collègues HERVE FAYE et ANTONIO SECCHI sont totalement dépassées : une tache solaire est une région sur la surface de l’astre  qui est marquée par une température inférieure à son environnement et  qui a une intense activité magnétique. La composition du plasma solaire : 73 % d’hydrogène et 25 % d’hélium était alors inconnue. Le soleil perd environ un milliard de tonnes de matière par seconde sous forme vent solaire, flux de plasma constitué essentiellement d’ions et d’électrons éjectés de la haute atmosphère du  soleil. 

Les COMETES

Le lundi 20 janvier 2014, la sonde spatiale européenne ROSETTA, (nom dérivé de celui de la pierre de Rosette) mise en hibernation depuis juin 2011 faute d’une lumière suffisante pour alimenter ses systèmes en énergie sortait d’une longue hibernation, au grand soulagement des astronomes du Centre européen des opérations spatiales  (ESOC) de Darmstadt- Allemagne . Après un trajet de sept milliards de km,  ROSETTA a rendez-vous avec la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (dite TCHOURI) du nom de 2 ukrainiens qui l’on découverte en 1969. Elle est  située à plus de 800 millions de km de la Terre. ROSETTA a survolé la Terre 3 fois et une fois Mars afin de bénéficier d’une « assistance gravitationnelle » lui permettant d’atteindre son objectif sans dépense excessive de carburant .
Pour la toute première fois, une sonde spatiale après 6 milliards de kilomètres
accompagnera une comète pendant deux ans ; elle tentera en novembre 2014 de déposer un atterrisseur baptisé PHILAE embarquant un petit  robot laboratoire de 100 kg équipé de onze instruments scientifiques ( caméras, spectomètres, analyseurs de poussières et de particules et une foreuse).
L’atterrissage de PHILAE est prévu le 11 Novembre 2014 : depuis Mai 2014, les ingénieurs ont ralenti la vitesse de ROSETTA qui filait à 800 métres/seconde ; sa vitesse est tombée à 3,6 km/heure. Début Août, elle s’est mise en station autour de la comète Les images transmises par la caméra de ROSETTA ont révélé une forme bizarre : sorte de canard en deux parties de forme très irrégulière. Cinq sites d’atterrissage potentiels sont soigneusement étudiés pour poser PHILAE en toute sécurité, le choix définitif intervenant à la mi-octobre. 

Pourquoi étudier TCHOURI, corps de  glaces et de poussières de 5,4  kilomètres au maximum ? parce que  les scientifiques estiment que les comètes sont la mémoire du système solaire : riches en eau et en composés organiques complexes, elles pourraient avoir participé à l’avènement de la vie sur Terre et pourquoi pas ?ailleurs …. D’ où l’importance de cette mission…

Bien évidemment, l’Abbé Moreux ne pouvait pas envisager une telle expérience mettant en oeuvre de telles technologies…

Pourtant,  l’Université de Cambridge (U S A ) en juillet 2011  a donné à l’astéroïde 14914 le nom de MOREUX, homologué par le Minor  Planet Center, organisme qui coordonne les observations mondiales des petits corps du système solaire. Cet astéroïde MOREUX est bien modeste : quelques dizaines de mètres ; il circule autour du soleil en un peu plus de quatre ans à 385 millions de km de la Terre.

C’est un bel  hommage rendu à notre astronome berrichon, signe qu’il n’est pas totalement  oublié par les astronomes du XXI ème siècle.         

La vie extra terrestre et LES EXOPLANETES

Nous avons vu que l’Abbé MOREUX estimait possible la  VIE hors de notre terre, idée qui n’était pas en contradiction avec sa Foi, il la voyait sur MARS  ..

Existe-il une vie extra terrestre ?cette question est d’une  brulante actualité et passionne la science moderne.

Actuellement, en astrophysique  la majorité des scientifiques est convaincue que la Terre ne peut pas être la seule à abriter des organismes vivants. Les « exobiologistes » tentent d’imaginer toutes les formes de vie extraterrestre possible : de la bactérie à l’organisme évolué . Avec les télescopes modernes, on recense des centaines de milliards de galaxies, chacune d’entre elles contenant au moins 100 milliards d’étoiles avec leurs guirlandes de planètes, soit des milliards de milliards d’exoterres.     

Depuis le 6  octobre  1995, jour où l’astrophysicien suisse MICHEL MAYOR découvrait la première Exoplanète 51 Pegasi b, en octobre 2013, les astrophysiciens  célébraient la 1028 ème exoplanète découverte hors du système solaire . Parmi celles-ci, douze seraient potentiellement habitables, c'est-à-dire ni top chaudes ni trop froides afin que l’eau y soit liquide.  Cette quête n’en est qu’à ses tous débuts ; en effet, selon un rapide calcul de FRANCK SELSIS du  laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, dans  notre petite galaxie il pourrait y avoir 4, 4 milliards d’exoplanètes. Or, les galaxies se comptent en centaines de milliards !

L’exoplanète habitable la plus semblable à la Terre se situe dans la constellation de la LYRE à 1200 années-lumière de nous : Kepler-6.2. Mais il y a actuellement de nombreuses controverses entre les astronomes quant à « l’habitabilité » de ces fameuses exoplanètes. Depuis un an, on a découvert bien plus de ces corps célestes ……

L’Abbé MOREUX a donc fait preuve d’une juste  intuition quant à la possibilité d’une vie hors de notre Terre : il est évident que l’état de la science  de son époque ne lui permettait pas d’anticiper l’existence des exoplanètes ….


Fin de vie

Les qualités de l’Abbé MOREUX ont été reconnues par la communauté scientifique : chevalier de la Légion d’honneur en 1921,  il fut Membre de l’ Académie pontificale des sciences puis de l’Académie colombienne des sciences ;  nous avons vu que la Société astronomique de France ne lui a pas ménagé ses éloges ; il fut membre de la Société scientifique internationale de Bruxelles et de la British  astronomical association. Il continua longtemps à transmettre des notes à l’Académie des Sciences, principalement sur le système solaire.

En Mai 1943, il fut arrêté à Paris par la Gestapo et emprisonné à Bourges pendant six semaines et échappa à la déportation grâce à l’intervention de ses proches, mais alors âgé de 76 ans il en gardera des séquelles. Ses activités se réduisent peu à peu et il vit en reclus avec sa sœur et ne quitte  plus sa chambre à partir de 1952. Il décède le 13 juillet 1954, d’une crise d’urémie après avoir eu deux semaines plus tôt le plaisir  d’assister à une éclipse de son cher Soleil. Il est alors  presque totalement oublié : seuls le Figaro et des journaux régionaux comme Le Berry Républicain, La Voix du Sancerrois et La Vie Catholique du Berry mentionnent sa disparition ; quant à LA  SOCIETE ASTRONOMIQUE de France, pas un mot,  aucun hommage .. !

Le 25 septembre 2013, la station météorologique de Bourges devenait le Centre Théophile Moreux, à l’occasion des cent ans de mesures météorologiques , l’abbé étant reconnu « comme précurseur en matière de relevés météorologiques  quotidiens et sérieux ».

CONCLUSION : 

L’ Abbé MOREUX fut un esprit curieux, observateur attentif  de l’ Univers, travailleur infatigable, écrivain prolifique dans une langue claire qui s’est intéressé à de nombreuses branches de l’astronomie Par ses très nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique,  il a porté  à la connaissance du plus large public ses théories toujours originales. Il a ainsi suscité de nombreuses vocations d’astronomes et de scientifiques. Il mérite amplement de ne pas être oublié par la communauté scientifique.


Bibliographie :           

L’Astronomie, juin 2004, vol. 118 ; Denis Cachon, Pierre Durand, Claude Pinlou, Pierre Bourge et Paul Couteau : Dossiers :  « l’Abbé Moreux, astronome et vulgarisateur » p.353 – 357. « L’Abbé Moreux, une des étoiles filantes de la S A F » p. 358-362 et  «  De Saint-Célestin à la rue Ranchot ,  Abbé Th. Moreux, directeur de l’ Observatoire de Bourges » p. 363- 368.

Le Berry républicain, 25  septembre 2013, « La station météorologique de Bourges devient le Centre Théophile Moreux ».

Le Point, N° 2146, 31 octobre 2013, Olivia Recasens  «  Sommes-nous vraiment seuls dans l’Univers ? », p. 111- 116 ; Gwendoline Dos Santos  « Michel Mayor, chasseur d’exoplanètes » p.118-119.

Le Point, N° du  20 janvier 2014 , Exploration spatiale : Chloé Durand-Parenti « Rosetta réveillée et opérationnelle ».

Le Point, N° du 27 Août 2014, Jason Wiels : « Rosetta tire cinq plans sur sa comète ». 

Le Rotarien, novembre 2013, Sciences techniques, Etienne Klein « L’ Univers a-t-il un instant zéro ? » p. 12 – 17.

Libération, vendredi 21mars 2014 : Sciences : « Les vibrations du bébé Univers » p.34-35.

Science et Avenir, N° 803, janvier 2014 ; Dossier : « Nous découvrons l’Infini, par Hubert Reeves » p.26-39.

Sciences et Avenir, N°805, Sciences fondamentales, Jean-François Haït « Fabuleuses nébuleuses » p. 38 – 41.

Sciences et Avenir, N° 806, Avril 2014, Dossier : Azar Khalatbari « Révolution dans l’espace-temps » p.26 – 43.

Sciences et Avenir, N° 807, Mai 2014, Jean-François Haït « Sur la piste des premières étoiles » p. 46 – 51.

                                                                                                                                                                                                                                         

L’auteur remercie chaleureusement le Docteur Guy Courcou, Membre titulaire de l’Académie du Berry qui a mis à sa disposition une abondante documentation sur l’Abbé Th. Moreux. 

 
Dernière modification : 13/05/2015
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