Marcel Benezit

    ACADEMIE BERRICHONNE

Discours de réception de M. Marcel Bénézit

                                (1970)

Monsieur le Directeur,Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Appartenir à l'Académie Berrichonne est un honneur.

Cet honneur implique un devoir de fidélité et celui d'un témoignage.

La notion de l'honneur est étroitement liée à celle d'une distinction, et, je ne saurais suffisamment souligner l'importance de me sentir distingué, élu membre d'une compagnie qui dans l'esprit de Louis XI devait être le témoin d'un relèvement de la France après l'invasion anglaise lorsqu'il fonda l'Université de Bourges au XVeme siècle.


Le membre élu de l'Académie Berrichonne est chargé d'une responsabilité. Il doit rester fidèle à l'esprit   qui présidait la fondation de cette Institution et en demeurer le témoin.


Permettez-moi, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de vous dire ce que je pense de cet esprit dont nous, Académiciens de cette compagnie, devons être les témoins.


La définition que je vais en donner n'est pas de moi. Elle est le sumé d'une série de conversations que j'ai eue avec Hugues Lapaire. C'est, en effet, vers lui que va toute ma gratitude, c'est lui qui est à l'origine de cet amour que j’ai, naturalisé  berrichon, pour ce pays, dont une des plus hautes instances culturelles etspirituelles a daigné m'accorder cette distinction dont je me flatte.


J'ai fait la connaissance de Hugues  Lapaire à Paris à l' hôtel de Massa lorsde mes premières armes en littérature. L'amitié qu'il m'a si gentiment accordée m'a conduit vers son appartement de la rue Claude-Bernard.


En pleine occupation nazie, cet appartement est devenu pour moi un lieu d'évasion et de réconfort et aussi, un petit coin de Berry, de ce Berry dont il a toujours été le fidèle témoin.


Il me parlait, parmi d'autres sujets, d'Alciat et de Cujas. Et ce n'est pas sans raison qu'il m'entretenait de ces deux juristes dont la gloire resplendit encore au­-dessus de Bourges et de son Université de l'époque.


Alciat et Cujas ont permis de découvrir derrière les textes des lois l'esprit du législateur qui s'exprime dans des termes diversdepuis l'Antiquité tout en demeurant fidèle à la Justice, toujours à la même Justice, malgré les diverses applications auxquelles les circonstances du mo­ment l'obligent.

Pour Hugues Lapaire le Berry représentait une personnalité, son Académie locale devait en être toujours le témoignage.


Cette personnalité Berrichonne est la France elle­-même.Paisible et robuste puissance qui ne se laisse bousculer par les vagues superficielles dala mode, elle est l'incarnation même du peuple qui constitue la masse sobre, sérieuse, traditionnelle d'une mentalité, bien plus que celle du terroir.



A travers Hugues Lapaire j'ai pris l'habitude de penser que si un jour le Berry se modifie ce sera un signe que cette modification n'est plus une vague superficielle, mais un mouvement de fond auquel ce peuple répond par le changement raisonnable, par l'adaptation judicieuse de sa conduite.

La personnalité de l'Académie Berrichonne est donc celle de l'humanité toute entière; elle est le reflet de ses couches les plus difficilement amovibles par la fallacieuse séduction des esprits
éphémères
. Elle reste ouverte à tous, elle est répandue largement au-delà de la région dont elle porte le nom. Mais son centre, son cerveau, son cœur demeurent toujours le Berry.


Je suis profondément convaincu que l'Académie Berrichonne peut accomplir un le culturel important si elle donne toute la mesure de sa robustesse et de son sérieux à ce monde qui a éperdument besoin d'un point de repère.


C'est encore à Hugues Lapaire que' je dois l'image que je vous propose et qui est la suivante.

Mettez de la poudre de silice dans de l'eau.
En quelques instants la poudre va se déposer au fond du récipient. Secouez la vase, la silice semble disparaître au moment de l'agitation. Mais que le repos revienne et la poudre reprend sa place au fond du bocal.


Le Berry est ainsi fait. Sa personnalité semble disparaître sous l'agitation, mais elle ne se dissout jamais, elle réapparaît dans le calme, et alors, elle constitue le fond.


Or le Berry c'est la France.


Fils passionné de ce pays, c'est à lui, Hugues Lapaire que je rends hommage en ce jour solennel, tout en regrettant de ne pas le voir ici. Il aurait été si heureux de saluer en moi le fils adoptif de son pays tant aimé.

                                                  Marcel Bénézit

 
Dernière modification : 14/05/2013
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