Présentation de M. Desjeux (2)

Monsieur le président, chers collègues, chers amis,

 

Cher Monsieur Desjeux,

 

Je suis tout particulièrement heureux d’avoir le plaisir de vous présenter. Cela n’a rien d’une formule de convenance car depuis la séance solennelle de Bourges de l’année 2004 nous n’avons cessé d’approfondir notre connaissance et notre estime réciproques. Ils se comptent en effet sur les doigts d’une main, les académiciens du Berry dont je connais aussi bien l’histoire familiale et les talents.

 

Vous appartenez à une belle famille berrichonne, solognote et orléanaise depuis plusieurs générations. Le temps qui m’est imparti – et je le regrette – ne me permet pas d’offrir à l’assistance une revue détaillée de vos ascendants, à la vie si bien remplie. Certains ont porté la robe, d’autres la tenue médicale, d’autres l’uniforme, sans oublier l’entrepreneur auquel on doit les gares d’Orléans et de Tours. 

En cette période de commémoration de la Grande Guerre, on ne saurait passer sous silence votre grand-père paternel, médecin-major dans la Somme en 1914. De nombreuses photos en témoignent. Mais il représente à vos yeux bien davantage :

« le souvenir de 17 ans de profonde affection avec mon grand-père ne m’a jamais quitté ».

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En ces lieux, notre éminent collègue de l’académie française Jean-Christophe Rufin avait souligné combien l’image d’un grand-père pouvait peser sur les choix de vie. Supervisant de très près vos premiers apprentissages, le votre vous a accompagné la vie durant. Je cite non sans émotion ce que vous m’avez confié : « Nous avons tant vécu ensemble, y compris pour ses derniers mois de chasse (…). Assis sur nos pliants de battue dans une allée, il me racontait son enfance, sa jeunesse, ses aspirations. Je n’ai rien oublié ». Il est mort, selon vos propres termes « un an trop tôt », alors que vous étiez en fin d’études secondaires. Avec un tel aïeul en effet, votre voie était toute tracée : devenir médecin de campagne, à Brinon, comme lui. Le destin en a voulu autrement.

Mais de lui vous  avez conservé la passion de la chasse, une passion partagée depuis les origines par tous les membres de votre famille, toutes générations confondues. Nous y reviendrons.

En avance sur votre temps, vous êtes né dans une clinique, à Neuilly/sur/Seine, le 6 juillet 1936, loin de vos bases berrichonnes. Vous êtes l’ainé d’une fratrie de six, quatre frères et une sœur qui dans des champs très différents ont globalement réussi leur vie. Quelques souvenirs d’enfance, la chasse aux lapins dès l’âge de cinq ans pour vous en donner le gout ; et peut-être plus marquant, ce  fond de peur diffuse lié au premier contact avec l’occupant, lors du  passage de la zone libre à la zone occupée, au retour d’exode. Beaucoup de ceux qui dans cette salle sont nés quelques années avant la guerre gardent dans leur conscience un tel type de sentiment, au souvenir de faits vécus en cette période troublée.  

Selon une tradition familiale d’inspiration royaliste dont vous n’osiez sourire à l’époque, les Desjeux font leurs études secondaires chez les jésuites. C’est d’abord le collège St Louis de Gonzague à Paris, puis la provisoire mais extrême austérité  d’une vie d’interne au collège de la Providence, à Amiens.

A l’âge de 16 ans en première latin-grec, vous obtenez le bac philo en juillet 1954. Vous alliez pouvoir vous inscrire à la faculté de médecine de Paris.

Mais l’arrivée de la myxomatose vient de supprimer presque totalement les  revenus attachés aux propriétés, dont celle dont vous aviez hérité de votre grand-père. Votre père vous impose alors de devenir un « homme d’affaire ». Il faut désormais s’employer à réussir dans cette nouvelle voie ;  vous suivez un cursus en Sorbonne en vue de l’obtention d’un diplôme d’études littéraires générales et, parallèlement, l’enseignement du  British Institute. Reçu aux concours des business schools, il faut choisir entre Northwestern, Harvard, Stanford. Ce sera finalement la Californie où vous travaillez pour payer vos études. Vous assumez une série de « petits boulots » qui vous font peu à peu découvrir la vie dans les entreprises américaines.

Vous êtes diplômé dans une option peu connue en France à l’époque, la psychologie : psychologie du management, en publicité, psychologie comportementale, et enfin sélection du personnel. De retour en France, vous résiliez votre sursis et rejoignez le centre d’instruction de Montlhéry. Un service militaire entrecoupé d’une très heureuse parenthèse, le mariage avec celle qui restera l’amour de votre vie, et un voyage de noces à Capri. Promu sous lieutenant, c’est l’Algérie, le Djebel Amour, à 400 km au sud du littoral méditerranéen, avec la charge du  commandement d’un peloton de harkis à cheval. Un paradoxe et un bonheur pour celui qui était affecté chez les fantassins ! Votre manière de servir vous vaut l’octroi de la Croix de la Valeur Militaire, de la Croix du Combattant, du Titre de reconnaissance de la Nation, de la médaille commémorative d'Algérie, de la médaille du Djebel.

Enfin des années plus tard de l’admission dans l’ordre dans l’Ordre national du Mérite à titre militaire.

Votre vie professionnelle prend tout son relief avec votre entrée dans la société Rank Xerox  « Travaillant comme quatre pour réussir comme dans toute entreprise américaine », vous allez devenir directeur national des ventes pour la France, troisième dans la hiérarchie de cette maison. A 35 ans, vous fondez votre propre entreprise, l’International Business Drive (IBD) qui va se placer très vite dans les cinq premiers cabinets français grâce à l’expérience acquise dans des missions de recrutement de spécialistes ou de cadres dirigeants, en France et à l’étranger, notamment en Angleterre et aux Etats-Unis. Il faudrait des heures pour détailler une réussite professionnelle allant jusqu’à la création d’un cabinet de chasseur de tête international.  Sans oublier votre participation à la formation de la première Chambre Syndicale Nationale des Conseils en Recrutement dont vous avez été nommé Président d'honneur à votre départ.

La chasse est restée l’une de vos passions : « Nous chassions tous les jours – m’avez-vous dit - et vivions pour le cheval, le chien, les lapins, dont l’élevage rapportait davantage que la médecine ».

Elle inspire la conférence dont vous allez tout à l’heure nous gratifier.

La chasse, vous aviez déjà su la faire mieux connaître à un large public.

Homme de lettres, vous êtes en effet l’auteur de nombreux ouvrages ou de préfaces traitant de ce thème, mais aussi de la pêche, du dressage des chiens ou de la Sologne. Pendant près de 17 ans vous avez été également chroniqueur au Journal de Gien "Autrefois en Sologne", et l’auteur d’environ 750 articles ! 

Des ouvrages spécialisés, mais aussi un roman, « rêves de brume ».

Sa qualité transparait dans les notes que j’avais rédigées à l’issue de sa lecture il y a un an et que je  livre à l’assistance sans retouche.

C’est l’histoire d’un médecin  de campagne solitaire, Adrien, grand propriétaire terrien, passionné de chasse comme ses ascendants, confronté « au progrès » et à une évolution de la société et des mœurs qui bouscule ses certitudes. On traverse plus d’un siècle avec le premier « maitre », Adémar Gondran (qui a fait la guerre de 1870), son fils Adrien, celle de 14, son petit-fils Henri tué en 1940. Les grands évènements du siècle  ne sont qu’effleurés, limités aux détails pertinents et spécifiques de la vie des héros du roman. La description des conditions de vie et des rapports sociaux propres à chaque époque retient l’attention, telles les marques de déférence entre « classes sociales », l’ambiance des épiceries buvettes d’antan, le comportement des artisans qui commencent plusieurs chantiers pour « tenir » la clientèle, etc.  J’ai apprécié les représentations de la relation médecin-malade, avec l’avènement progressif des instruments médicaux (par ex. de l’auscultation pulmonaire directe à l’usage du stéthoscope). J’y ai également retrouvé au passage le reflet de l’esprit patriotique du temps et la situation paradoxale du médecin qui se met en situation de faire le coup de feu, avec en main « le mousqueton de cavalerie 1917 ». Mais la chasse occupe de longues pages du roman (la chasse et la pêche) avec l’utilisation habile des très larges connaissances cynégétiques de l’auteur, sans jamais donner l’impression de « plaquage ». Les dialogues sont plein de vie, le style agréable. Certains passages m’ont replacé dans l’ambiance de « La dernière harde » et de « La forêt perdue » de Genevoix. C’est dire la valeur de cet ouvrage.

 

Cher Monsieur Desjeux, vous êtes aussi chaleureux que grand. Vous avez étudié et travaillé dans différents pays du monde. Vous êtes le Président Fondateur d'un des premiers cabinets de "chasseurs de tête". Homme de lettres à la plume élégante, auteur de nombreux ouvrages, vous ajoutez à votre vaste culture des talents de pianiste  et de peintre. 

Propriétaire forestier, Officier du Mérite Agricole, vous vous êtes toujours efforcé  en tant que Conseiller Municipal de Brinon-sur-Sauldre et au delà de concilier  les activités agricoles forestières et cynégétiques.

Il vous revient maintenant de développer ce thème.

 
Dernière modification : 12/10/2016
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