Discours de Michel Sallandre

Discours de réception de M. Michel Sallandre

 

 

"Parcours et impressions plurielles   autour de la caméra"

 

Mon intervention se réalisera autour de trois points sur ce thème.

1/Le métier de cinéaste a/Lumière symbolisme, b/prises de vues, c/enfin rythme dans le montage.

2/  Quelques films documentaires et fictions dans  lesquels j’ai travaillé et qui ont nourri mon imaginaire.

3/ Quelques anecdotes liées à ces tournages.

L’ensemble s’appuyant sur des photographies de ces films,  et un extrait de Everest 78 « les Français sur le toit du monde ».Expédition victorieuse conduite par Pierre Mazeaud, ex Ministre des sports.

4/ Enfin une conclusion.

Rêveur et promeneur de la terre.

 « Voir clair signifie aussi que l’on accepte l’énigme de la clarté, quelque fois plus énigmatique encore que l’obscurité »

Hazard, rencontre, comme mode de vie.

Lumière

La durée des jours et des nuits est un élément de notre inconscient ,  de   notre culture, la hauteur du soleil et son positionnement dans l’espace,   la durée de sa présence sont des facteurs de rêves et d’intime. On ne vit pas de la même manière selon que l’on soit né sur les bords de la rivière de la Lobé qui se jette dans l’océan à   Kribi, que sur les bords de l’Indre ou sur les glaciers du Klondike de l’Alaska (valable aussi pour l’hémisphère sud et Ushuaia)

En effet l’ombre et la lumière déterminent le champ et la durée du visible et de l’obscur (quoique  aujourd’hui l’artificiel prolonge indéfiniment cette durée). Le rythme des naissances, disparitions du soleil de la lune des étoiles font naitre notre rêverie  indispensable temps nécessaires,  doutes, découvertes, angoisses,  joies.  Vies et rêves des Inuits dans la  durée des nuits totales et des jours sans lune  ou  pygmées  du Cameroun sur la rivière Lobé se déversant dans l’océan à Kribi qui voient le soleil se lever chaque jour à la même heure, donnent aux rêves et à la  vie des cultures, émotions, bien différentes. Auquel il faut ajouter le coté directionnel ou non, (ombre claire ou ombre diffuse, voir sans sombres).

Cela a été mon moteur de sens dans la photographie comme l’étude et le  regard sur les grands maitres impressionnistes. Le clair, l’obscur,  le diffus et le directif. Dans la photographie et bien sur le cinéma qui n’a qu’un peu plus d’un siècle,  nous nous sommes inspirés de ces éléments comme les grands peintres impressionnistes  qui ont façonné  notre culture. Le noir et  blanc est de ce point de vue le plus fort dans l’utilisation des ombres et lumières.  

Le  cadrage.

Pourquoi avoir limité par exemple le cadre a un rectangle et pas un rond ?? La notion du hors champ, du bord de cadre de cet entre deux !! Être dans ou hors de l’image, exister, disparaître ; postérité !!! . Image mémoire figée, instant .Focale courte ou longue profondeur  de champ  (le flou et le net,  l’utilisation de cet aspect dans la narration,  le sens, pas assez de temps afin d’évoquer ces points). Et pourtant si signifiant.

Par exemple « Orson Welles » et l’utilisation de la courte focale, profondeur de champ maximum. Celle du très gros plan des films de  Sergio Léone (Western spaghettis).

Là,  comme pour la lumière la hauteur de la prise de vue :  dominé/ dominant imposé par le regard donne du sens  quelques  notions comme cela,  rapidement données .Mais aussi le flou et le net !!!

Le montage

Tout est affaire de rythme :  nous sommes passés par exemple de 250 à 300 plans sur un 52 mn a 800 plans, parcellisation de la pensée, manipulations souvent. Disparition du plan- séquence qui raconte une histoire dans le plan et la durée. Durée oui,   parcellisation de la pensée je vous dis : culture !!Vite ralentir pour redonner du sens. Peut-être.

Expérience  professionnelles appuyée par mes images.

Quelques histoires

15 octobre  1978   15 h 02

 Jours d’illumination ,  vent de  150 km /h :  difficile de progresser dans les bourrasque de neige et  la lumière éblouissante des neiges éternelles,  je marchais l’esprit dans les nuages ,  sur les pentes de la « déesse mère des vents dont la tête touche le ciel » . Everest c’est comme cela que les anglais l’ont nommé, dans une    Neige profonde,  j’ enfonce jusqu'à mi-corps, quand la chaleur  vous assaillie après  un froid  -30 degré,  altitude de  7500   mètres, dévoré  par la déshydratation, oxygène rare, bouche grande ouverte comme pour dévorer l’air,  difficile de lever la tête pour regarder cette lumière les yeux dans les yeux, on s’agenouille !!!!  Je ne supporte pas de vivre à genoux !!!  Et pourtant, à ce moment-là pour moi la lumière est bien la haut à 9000 m :  la lumière du sommet :  vaincre ses passions pour vivre  dans la raison est-il suffisant à cette quête d’absolu !!!Passion  et raison,  le souffle s’interrompt,  asphyxie !!! La lumière s’éloigne,le néant s’installe,  échec ou victoire   petite  mort   ou naissance ce fut le choix de la raison , le choix !!!! Pierre Mazeaud, Nicolas Jaegger, Jean Affanassief et Kurt Dinerberger atteignent le sommet, le drapeau français flotte sur la plus haute montage du Monde 25 ans après. Les images viennent appuyer ce propos.

Encore de  si belles rencontres dans la série « le passé retrouvé » de Mireille Dumas avec Yannick Noah, Alice Sapprich , Guy Bedos, aux sources da la civilisation pré-olmèque, olmèque, Maya dans la découverte dans la grotte de Nartunich , des gliffes  Maya indéchiffrés dans le fond de la forêt  vierge en peine guérilla  à la  frontière du Belize  avec le spéléologue des  gouffres  explorateur  du temps relatif :  Michel Siffre ( Michel,  explorateur  du temps  se renferme des mois  au fond des gouffres afin de vérifier le rôle de la lumière dans les rythmes biologiques humains,  retour sur la lumière)

Dans ma génération, la couverture de la Guerre  du Vietnam, Laos, Cambodge,  passion de l’espace « l’Indochine » lumière et couleur quand nous y sommes retourné en 1992 avec Igor Barrére .Mais aussi même latitude, la chute du régime Philippine Marcos :  les centaines de chaussures de sa femme entassées  dans son palais déserté après sa chute , et le drame de la danseuse nue de Bacolod dans une lumière salasse et des yeux d’hommes avides de….  ile  en monoculture affamée par les propriétaires de canne à sucre ou le peule n’a pas de quoi vivre ces enfants vendant de cailloux sur le bord des routes :  fixe  cela dans le cadre difficile…………  etc..

Promeneur de la terre ce qui  m’a bien apprit  de la folie des  hommes.

Mais aussi rencontre avec la beauté du monde. Avec cette immersion dans le monde des Geisha et des Yakusa, culture de l’est, lumière bleue, rencontre entre culture ancestrale et modernité folle. Beauté et violence : magnifique culture !! Inoubliable rencontre et nommé 7 d’or !!!

Promeneur de la terre avec Nicolas Hulot

Espaces vierges dans le cadre, de la caméra, la mer,  les océans, les iles, les extrêmes, les forêts mais et surtout les   rencontres multiples, avec les peuples,  les espaces, temps retrouvé  rencontres insondables d’humanité  plurielle. Impressions multiples qui forgent le promeneur de rêves d’impossible. Militants des diversités je suis.

Magnifique rencontre avec des artistes,  poète,   Kateb Yacine  ,Nedma :  Algérie mon amour !!  Sillonnée du nord au sud,  de l’est à l’ouest,  route de nuit dans l’ivresse de la fumée du hachich !!  Si belle culture berbère,  déchirure  l’impossible communion entre la France et le peule berbère,  Kaleb mon ami dans mon ciel d’étoiles !!!

Rencontre avec Mickael Lonsdale  dans les Frères Kazakov et Dostoïevski, Piala ,Gérard   Depardieu, dans «  Loulou » tant de rencontres et de souvenirs ,  saveurs  .

Quelques anecdotes.

Guy Bedos lors de sa rencontre avec un responsable du FLN ami d’avant de sa jeunesse lui dit « Moi je n’ai pas de sang algérien sur les mains »  moment terrible quand on  est à  l’œilleton  (j’ai pensé à la pensée  George Sand l’ humaniste)  

Avec Alice Sapprich qui raconte son enfance dans sa chambre « elle était déjà très très gravement malade »Magnifique personne blessée par l’enfance. Istanbul ses lumières encore et toujours de l’orient !!! 

Avec Nicolas Hulot cerné que nous étions par les éléphants en Tanzanie, ou en Alaska en observant la pêche des saumons par les grand ours de l’ile de Kodiak (il y en avait juste un derrière nous) !!

Ou encore avec cet Inuit dont j’ai oublié le nom, à la suite d’une longue course sur le traineau à chiens  les baleines remontant  pour la chasse vers le krill,  perçant la calotte glacière et  la caméra qui gèle à cœur par  -40 degré, un beau raté rageant !!! .

La plus belle dans un tournage avec Tabarly sur Penduick dans une traversée du pacifique, la rencontre aux Maldives avec Jacques  Brel  non filmé,  juste un homme magnifique.

Mes nuits sans sommeil  sont habitées  de ces moments.

J’ai tenté de vous présenter des photos, de vous transmettre cela  en émotions,  à travers des   extraits de film, vous raconter  ce bonheur de métier, vous parler du dernier Film sur « le cirque Bidon » du projet de celui sur « l’histoire de l’écho du Berry »  et enfin du gros projet avec Jacques  Perrin sur   mon village.

Conclusion

Dans ce promeneur né en 1947,  belle année, la conviction que nous vivons dans un monde global :  tout a changé en 45 ans de travail même dans les lieux les plus isolés. Effarement de la pollution mondiale dans les océans.

Nécessité de diversité pour la beauté d’un monde

Monoculture et désertifications grandissantes,  peurs à multiple sources,  angoisses, terrible !!!!Humanité en régression,  montée  des intolérances de  toutes origines. 

« Même pas peur »… comme disent les jeunes. La vie est devant nous. (Titre d’un si joli film de Carné.)

Michel Sallandre  

 
Dernière modification : 30/05/2016
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